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sur l'auteur

Je m'appelle Frédéric Faravel. Je suis né le 11 février 1974 à Sarcelles dans le Val-d'Oise. Je vis à Bezons dans le Val-d'Oise. Militant socialiste au sein de la Gauche Républicaine & Socialiste. Vous pouvez aussi consulter ma chaîne YouTube. J'anime aussi le groupe d'opposition municipale de gauche "Vivons Bezons" et je suis membre du groupe d'opposition de gauche ACES à la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine.
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Gauche Républicaine & Socialiste

1 avril 2021 4 01 /04 /avril /2021 17:37

Je publie ici ce texte que j'ai rédigé pour la Gauche Républicaine & Socialiste démontrant les dangers du narcissisme macronien face à la pandémie.

Frédéric FARAVEL

beau visuel où l'on voit que le prince président s'aime beaucoup

beau visuel où l'on voit que le prince président s'aime beaucoup

L’intervention du président de la République le soir du mercredi 31 mars 2021 à 20 heures est l’illustration d’un homme prenant ses décisions seul malgré l’échec du pari qu’il avait fait au début de l’année 2021, pari dont on peut se demander si c’était la santé des Français qui en était l’enjeu ou son entrée en campagne présidentielle.

Car il faut bien le constater, c’est bien l’échec des précédentes décisions d’Emmanuel Macron à court, moyen et long termes qui conduit aujourd’hui à généraliser une forme de semi-confinement à tout le pays pour tenter de freiner une troisième vague de l’épidémie que les pouvoirs publics sous la férule de l’Elysée ont laissé filer pour ne pas – aussi longtemps que possible – désavouer la parole macronienne.

Les mesures annoncées hier soir sont prévues pour quatre semaines, mais l’expérience aidant comment les Français pourraient-ils avoir la garantie de cet horizon ?

Alors que l’éducation nationale – après un an de crise sanitaire – n’a toujours pas pu se donner les moyens d’assurer l’enseignement à distance partout et pour tous dans de bonnes conditions, la fermeture des établissements scolaires se traduira évidemment par de nouveaux dégâts chez les élèves et les étudiants. Le gouvernement a nié durant trop de mois que le niveau des contaminations dans les écoles, étant équivalant à celui en population générale, il participait évidemment à la diffusion du COVID ; pourtant jamais les établissements scolaires ne se sont vus dotés des moyens pour appliquer correctement les « protocoles sanitaires renforcés » ; quant aux campagnes de tests salivaires dans ces établissements, elles sont trop peu intenses, trop tardives, et non suivies (une fois un établissement testé on n’y revient plus ?), sans obligation de s’y soumettre pour être efficace. Les victimes de cette légèreté seront d’abord les élèves.

En deuxième, viennent leurs parents car – sauf à considérer que les Français avaient les reins économiques suffisamment solides pour partir en vacances – sans solution pour affronter 4 semaines sans école, le télétravail jouant déjà sans doute au maximum, les salariés risquent de se voir massivement contraint au chômage partiel, avec les dégâts économiques et sociaux qui suivront. Quand les familles ont déjà du mal à s’en sortir avec 100% du salaire, on peut déjà mesurer la détresse qui les guettent avec 80% du salaire. Sans compter les salariés qui perdront leur emploi…

L’intervention d’Emmanuel Macron marque aussi l’échec de la stratégie vaccinale de l’exécutif, sujet qui a été largement éludé hier soir. La seule stratégie de sortie de crise efficace est une campagne de vaccination massive : force est de constater que le gouvernement ne se donne pas les moyens de combler le retard, la pression exercée sur les groupes pharmaceutiques par l’Union européenne et la France étant très faible. Cette faiblesse se double d’un entêtement idéologique à refuser les vaccins russes, cubains, indiens ou chinois.

Enfin, que dire de la promesse de revenir à 10 000 lits de réanimation pour faire face. Alors que les soignants sont épuisés par plus d’un an d’errances diverses du gouvernement face à la crise sanitaire, on se demande si les propos du président de la République ne sont pas une provocation pure et simple ! Depuis un an, le gouvernement et les ARS ont poursuivi une politique de fermeture de lits (y compris en réanimation !). Depuis un an, rien de sérieux n’a été fait pour mobiliser dans la durée les hôpitaux privés aux côtés des hôpitaux publics. Depuis un an, rien de sérieux n’a été fait pour tarir l’hémorragie de personnels soignants qui quittent l’hôpital public démoralisés, découragés et épuisés. Depuis un an, le gouvernement nous explique qu’il ne peut pas former les professionnels compétents nécessaires à l’augmentation des lits de réanimation « en claquant des doigts » ; on en déduit que, dans ces conditions, l’augmentation « en claquant des doigts » du nombre de « lits de réa » se traduira par une dégradation de la prise en charge et de la qualité des soins. Il aurait pourtant été possible en un an de recruter les personnels compétents qui existent dans le pays et de retenir ceux qui continuent de partir en ayant la considération qui convient à leur égard !

Comment enfin considérer qu’avec de tels échecs et de telles annonces notre démocratie ne serait pas atteinte. Depuis un an, le parlement est écarté des décisions, l’exécutif gouverne par ordonnances et par le truchement d’un état d’urgence sanitaire débarrassé de tout contrôle réel des députés et sénateurs. Le Parlement sera convoqué cet après-midi non pour avoir un débat éclairé, données à l’appui, pour discuter des mesures à prendre et dégager les moyens nécessaires, mais pour être sommé de partager, sous une forme de chantage, la responsabilité des décisions de l’oracle élyséens. Comment imaginer également que dans les semaines qui viennent, on puisse envisager dans des conditions sereines et équitables de conduire des campagnes électorales pour les élections départementales et régionales. Renvoyer à une dématérialisation de la campagne, on le sait, n’apporte aucune garantie d’information des citoyens, c’est empêcher tout émergence d’offre politique alternative à celles « grands partis » qui disposent déjà d’une audience sur les réseaux sociaux ou de financements importants, c’est l’assurance de ne récolter qu’une abstention massive qui atteindra la légitimité des futurs élus.

Emmanuel Macron a failli. Emmanuel Macron a depuis un an décidé seul, écartant le Parlement pour lui préférer l’opaque conseil de défense. Emmanuel Macron a joué avec le bien-être des Français comme on joue au loto. Emmanuel Macron est responsable des dégâts qu’il a causé et il devra en assumer les conséquences le jour de rendre des comptes.

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30 mars 2021 2 30 /03 /mars /2021 08:32

Hier soir, en conseil municipal à Bezons, nous devions examiner le rapport d’orientation budgétaire. Mais la Maire s’est permise d’envoyer un nouveau rapport modifié 4 heures avant le conseil municipal ; document nouveau et modifié que les oppositions n’ont de ce fait pas pu examiner et étudier correctement.
D'une manière plus générale, les documents qui nous ont été envoyés par la Maire de Bezons ont été volontairement tronqués pour ne pas donner à l’opposition les éléments nécessaires pour aborder correctement le débat sur les orientations budgétaires : c’est une pratique scandaleuse qui vise à masquer les nombreux mensonges de son équipe et privilégier la communication publique sur l’action au service des Bezonnais et enfin à empêcher l’opposition municipale d’exercer correctement son mandat.

D'autre part, la Maire de Bezons s'est à nouveau illustrée par des comportements agressifs, irrespectueux et à la limite de l'insulte à l'égard de l'opposition municipale, qu'elle avait quelques dizaines de minutes plus tôt exclu de la commission municipale qui aura en charge d'examiner les dossiers d'aménagement économique et commerciaux du territoire. La commune de Bezons ne semble plus vivre sous la loi de la démocratie mais de l'autocratie.

Dans ce contexte je me suis refusé à faire l’intervention prévue que je publie cependant ci-dessous.

Frédéric FARAVEL
conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
responsable du groupe municipal "Vivons Bezons"

Débat d'orientations budgétaires à Bezons : déni de démocratie

Je me permettrai pour commencer une remarque liminaire, c'est la légèreté qui marque la façon dont vous traitez ce débat d'orientation budgétaire. Personne ne vous reprochera de présenter un rapport d'orientation budgétaire sous une forme plus attractive ou agréable que précédemment, mais ne plus faire un dossier de 30 pages de texte indigestes avec des tableaux compliqués ne justifiaient pas que nous recoltions une sorte de powerpoint de campagne électorale dans lequel il manque des informations essentielles, qui doivent obligatoirement figurer dans un ROB. Qui plus est quand aujourd'hui nous avons reçu à 15h12 un nouveau document remplaçant le précédent le jour même du conseil municipal, moins de 4 heures avant la séance... c'est une façon de ne pas permettre aux oppositions de préparer correctement le conseil, au cas où vous l'auriez oublié nous sommes nombreux autour de la table du conseil à être des salariés dont les journées de travail sont chargées et pas seulement consacrées à la préparation du conseil. Dans tous les cas, il n'est pas licite de de tenir compte du deuxième document que vous avez envoyé, seul celui qui a été envoyé avec la convocation d'origine peut faire l'objet d'un vote ou d'une prise d'acte, seul celui-là pourra donc être envoyé avec les délibérations du conseil en sous préfecture.

Ces considérations posées en introduction, il convient désormais d'aller au fond de votre rapport.

Je voudrai d'abord rappeler que contrairement à ce que vous indiquez dans les pages de « contexte international », ce n'est pas la croissance qui baisse … si la croissance baissait cela voudrait dire que nous sommes encore en croissance économique si faible soit-elle... Non nous sommes entrés en récession en 2020 du fait de la crise sanitaire : c'est l'activité économique qui a baissé de 8,3% en France, pas la croissance.
Par ailleurs, les collectivités ont été dans ce contexte les grandes absentes de la loi de finances pour 2021 comme des trois lois de finances rectificatives qui ont marqué l'année 2020, toutes les associations d’élus locaux (notamment l’AMF et l’ADF) ont ressenti du mépris de la part du Gouvernement face à l’absence de mesures de soutien voire pire. J'avais déjà fait la remarque lors du débat d'orientation budgétaire de juillet 2020 : le premier confinement seul avait entraîné une perte de 7,5 Mds € pour les collectivités qui n'avait été compensé qu'à hauteur de 4 Mds €. Il est curieux que la municipalité ne s'en fasse pas l'échos et ne participe pas en s'exprimant politiquement sur le sujet à la pression nécessaire des représentants des communes, départements et régions sur l'Etat.
Les dotations sont en apparence stables, mais leur montant ne prend pas en compte l’inflation, la hausse démographique. Par ailleurs les augmentations de la Dotation de solidarité urbaine et de la Dotation de solidarité rurale se font à enveloppe constante, donc par écrêtements de la dotation forfaitaire…
En réalité là encore, l'Etat ne fait rien pour soutenir l'effort des collectivités locales ; non seulement la Dotation Globale de Fonctionnement reste stable c'est-à-dire qu'à euros courants, elle baisse, mais en plus pas plus en 2021 qu'en 2020, l'Etat ne tient compte des incertitudes ou plutôt des pertes pour les communes du fait de la situation économique et de l'état dégradé des entreprises, ce qui se fera immanquablement ressentir en matière de recettes.
Autre élément grave d'incertitude : L'ensemble des modifications de la fiscalité locale engagées par les gouvernements Macron, avec aujourd’hui la réduction de la fiscalité économique locale compose un mouvement de recentralisation massive des finances locales, distanciant le lien entre élus locaux et citoyens. Finalement cela aboutit aux mêmes résultats que les réformes d’organisation des collectivités passées, on ne sait plus à qui rendre des comptes ni qui est responsable de quoi => caractère anti-démocratique alors que les élus locaux ont bien la légitimité du suffrage universel !

Ce qui est plus embêtant dans le document que vous nous présentez comme un rapport d'orientations budgétaires c'est qu'il manque des éléments pourtant essentiels qui devraient y figurer. Vous ne communiquez pas les résultats ou même des informations partielles sur 2020, mais uniquement des ratio de 2019... vous transmettez des estimations vagues, mais dont aucune donnée ne permet de les attester. Ainsi les effets de la crise sanitaire sur les finances et les actions communales (j'y reviendrai) ne nous sont pas communiquées, c'est un comble ! Sur quoi voulez-vous donc que nous basions pour considérer un débat sérieux ?
Quelle sera en effet la balance réelle de fonctionnement ? Si vous ne vous donnez pas cette information, comment pouvons-nous comprendre et évaluer vos arbitrages ? Comment comprendre notamment que vous prétendez arriver à 20% de capacité d'autofinancement en 2021 alors qu'elle était de 11,7% en 2019 et que la crise sanitaire est passée sur notre commune comme sur le reste du pays ?
Pour l'investissements, revenons en arrière un peu voulez-vous...
Les dépenses d'investissements entre 2016 et 2018 avaient chuté en suivant en grande partie l'effondrement réel de la dotation globale de fonctionnement. La reprise des investissements dès 2019 à hauteur de 12 M€ a donc été l'effet à la fois de l'augmentation de la DGF, mais surtout de l'effort important de résorption de la dette opérée par l'équipe de Dominique Lesparre et du travail tout aussi important mené en faveur du développement économique et des nouvelles recettes qu'il générait. Les investissements que vous proposez aujourd'hui – j'y reviendrai – sont donc possibles grâce au travail et au sérieux du mandat précédent que vous dénoncez.

Sur les 15,6 millions d'investissements que vous avancez 3,6 M € concernent le remboursement de la dette ce qui ramène l'investissement réel à 12M€, comme en 2019. Pour financer ces 12M€, 9 millions sont financés par un emprunt d'équilibre qui vous est permis parce que l'équipe de Monsieur Lesparre a restauré une forte capacité d'endettement.
Or vous annoncez une baisse de l'encours de la dette de 2,6M€ en 2021. J'imagine qu'à stock constant l'évolution des taux peut permettre de réduire l'encours ; cependant comme vous annoncez tout à la fois que vous allez donc rembourser 3,6M€ de dette et emprunter à nouveau 9M€ pour équilibrer l'investissement, de combien en réalité baissez-vous ou augmentez-vous la dette de la ville.
Vous évoquez le plan de relance uniquement dans le cadre du contexte national. Je suis plus qu'étonné qu'il n'en soit jamais question dans vos orientations budgétaires concrètes quand vous abordez l'action de la Ville... Vous aviez claironné que vous mettriez le paquet pour récupérer des ressources supplémentaires... Mais avez-vous seulement engagé les démarches pour aller chercher des subventions dans le cadre du plan de relance, car cela n'apparaît pas dans le rapport d'orientation budgétaire ? Avez-vous répondu aux AAP ?
Si ce n'est pas le cas, votre Rapport d'orientation budgétaire est là pour faire de la publicité au plan de relance du gouvernement (que pour ma part je juge insuffisant) mais sans que la commune ne se soit donnée les moyens d'en profiter... voilà bien une logique originale en tout cas qui m'échappe.
Il y a plusieurs dispositifs faciles auxquels, auxquels la commune aurait pu souscrire comme les CRTE (en matière d'écologie quand tu nous tiens), subvention pour les numérique dans les écoles, etc. l'avez-vous fait ? Je ne vois rien en termes de pistes ou de sources de recettes potentielles de recettes dans votre rapport.
Si vous n'y avez pas encore pensé, il est presque trop tard car les délais sont pour l'essentiel avant le 31 mars ou le 30 avril. Si c'est prévu, si les dossiers sont en construction, comprenez que nous soyons surpris que cette information ne figure pas dans le ROB.
Je le redis à Nanterre par exemple c'est ainsi 1,7 million d'euros qui ont été récupérés pour la construction de la maison de la santé avec un dossier déposé en novembre ou en décembre dernier... je ne vois rien ici qui correspondent à une prise en compte des appels à projet dans le cadre du plan de relance donc de deux choses l'une, soit vous n'avez pas fait de dossier ou soit vos priorités ne correspondent pas aux attentes du plan de relance : transition écologique, insertion professionnelle des jeunes...
Or vous n'annoncez que 390 000€ de subventions en investissements c'est vraiment très peu et particulièrement étonnant.

Pour les espaces verts, vous affichez 1 million d'euros : C'était la même somme en 2019. Où est donc la priorité à l'environnement que vous revendiquez...? et dans la conclusion vous parlez de "création" mais si j'ai bonne mémoire il s'agit plutôt des "études", ce qui est nécessaire mais qui reporte à beaucoup plus tard la création et une réalité vécue par les habitants...
La ville manque selon vous d'école, de crèche, d'équipements sportifs... mais avec de tels considérations on s'attendrait à retrouver des orientations correspondantes dans les investissements, rien à part des Algeco - ce qui pose la question de savoir quand ils seront mis en service et avec quel engagement de l'éducation nationale d'avoir des enseignants pour y faire classe ; côté sport rien de nouveau sauf des équipements lancés avant votre municipalité (Gilbert Trouvé), rien sur les crèches...
Enfin, sur l'investissement réel 12 millions (3 millions de remboursement du capital de la dette, les intérêts comptant au budget de fonctionnement) soit autant qu'en... 2019.
A la lecture du rapport d’orientation, il est intéressant que les termes « sanitaire » ou « Covid » sont quasiment exclusivement réservés aux contextes nationaux. A la page 11 vous mentionnez que le Covid a entrainé « de nombreuses dépenses supplémentaires » telles que « logistique pour permettre les tests et la vaccination des habitants, heures supplémentaires, aménagements des bâtiments publics ». Or, il n’y a mention de ces coûts nulle part dans ce rapport ! Les surcoûts pour la commune s’élèvent-ils au niveau de la moyenne nationale autour de +1,1% de dépenses de fonctionnement ? N’y a-t-il pas de décisions structurelles en fonctionnement ou en investissement qui puissent mériter d’être prises ? 
Dans les investissements se pourrait être l’aide à l’implantation de médecins notamment par la mise à disposition d’infrastructure médicale ou encore l’accroissement du volume d’espaces verts…
En fonctionnement, on peut penser à des recrutements dans les métiers du lien notamment au CCAS (j'y reviendrais) ou pour renforcer les effectifs municipaux éventuellement un ou deux agents au service informatique pour mettre en place une véritable politique de télétravail en assurant la continuité des services municipaux tout en la préservant les données municipales sensibles et les données personnelles des agents.
Je ne vois aucune trace des dépenses Covid de l’année passée au titre de 2020, ni de l’année prochaine tant pour répondre à l’urgence que pour construire l’avenir. 
C’est à ce moment que je dois vous formuler une proposition que me parait essentielle tant pour les citoyens que les élus d’oppositions voir pour le Gouvernement à terme. 
Vous devez absolument parvenir à circonscrire – à l’instar du cantonnement de la dette covid – les dépenses qui relèvent de la gestion de la crise sanitaire. Il faut les isoler pour les mesurer, pour les évaluer finalement pour les traiter pour ce qu’elles sont : des dépenses de fonctionnement et éventuellement d’investissement. Nous voudrions, enfin nous devrions, pouvoir expliquer aux Bezonnaises et aux Bezonnais les mesures et les coûts des dépenses Covid. Cela pourrait prendre la forme d’une ligne budgétaire intégrée à la nomenclature actuelle ou encore une annexe qui retrace les mesures et les décaissements au fur et à mesure de l’exécution. Je vous livre cette proposition, faites-en bon usage !

Dans le même état d'esprit, je m'étonne qu'alors que notre commune et nos habitants subissent une crise sanitaire et une crise sociale intimement liées, cela n'apparaisse quasiment pas dans vos priorités... Il est vrai que la prise en compte de cette crise sanitaire n'a pas été votre priorité cette année ni au marché, ni pour installer un centre de dépistage ou obtenir un centre de vaccination... alors oui votre powerpoint cite bien l'action sociale et la santé dans les priorités nominales, mais quand on regarde dans les diapositives suivantes, le sujet est évacué en un tiers de page sans beaucoup de précisions et sans montrer quelles sont les évolutions en ce domaine.
Pourtant les dégâts économiques et sociaux de la crise sanitaire plaiderait pour que la prise en compte de la solidarité sociale soit une priorité affichée et affirmée d'une politique municipale dans une commune où de nombreux habitants ont été fragilisés par l'année qui vient de s'écouler. Cela devrait figurer en termes d'orientations sur le renforcement des actions du CCAS notamment. En tout c'est ce qu'aurait fait une municipalité de gauche.
De même, une municipalité de gauche aurait affirmé une orientation de renforcement du centre municipal de santé face à la crise sanitaire. Nous savons tous que le CMS a connu des difficultés ces dernières années, mais grâce à ses agents et à la détermination de Mme Prio pendant le premier confinement il a tenu et fait face. L'amélioration très forte de la santé financière de la commune qui est à mettre au crédit de l'équipe municipale conduite par Dominique Lesparre et vous permet aujourd'hui d'exploiter des marges de manœuvre fortes aurait dû plaider pour que les orientations budgétaires soient marquées d'un effort particulier face à la crise sanitaire avec un plan urgent d'investissement afin d'accroitre les capacités de notre CMS. L'offre de soins proposée aujourd'hui est intéressante mais reste insuffisante, car la majorité des médecins du centre sont là à temps partiel. La crise sanitaire plaidait pour cela, pour avoir dans ce domaine un objectif ambitieux, car Bezons est un désert médical, et pour ma part je ne miserais pas tout sur l'installation de médecins libéraux  qui me paraît à ce stade si ce n'est aléatoire du moins compliquée.

D'autant que les jeunes médecins aspirent à un exercice salarié, il est donc plus facile de recruter un médecin salarié que de trouver un médecin libéral qui s'installe. Enfin les études montrent que plus un CMS est grand, avec une offre de soins importante, plus il est à l'équilibre économique. En effet, que le CMS soit très gros ou petit, les coûts de fonctionnements sur le plan administratifs sont les mêmes (1 directeur; 1 RAF, pas de grande différence sur le secrétariat, etc.). Un plan municipal en 3 ans permette de doubler l'offre de soins, avec en parallèle soit un agrandissement du CMS soit en créer un deuxième (de nombreuses villes proposent des CMS en multi sites), voilà qui serait une véritable orientation municipale.
Dans la continuité, le contrat local de santé (dont j'espère que vous nous transmettrez le rapport d'activité) devrait créer un avenant pour ajouter à ses missions un plan spécifique autour du Covid. Le but du CLS est la coordination entre les acteurs, il faut ici faire un état des lieux de l'impact du Covid sur les bezonnais (impact sanitaire, sociale, mentale), et mettre en place une prise en charge systématisée et coordonnée sur le territoire. Et enfin le CLS devrait également créer une mission de prise en charge des souffrances psychiques chez les jeunes, ainsi qu'une meilleure prise en compte de l'addictologie à tous les âges car on sait bien que les confinements ont fait exploser l'une comme l'autre.
Je ne peux que constater que vous avez choisi d'utiliser les marges de manœuvre héritées de vos prédécesseurs à sens unique, ou en tout cas dans l'optique avant tout de développer la police municipale. Quitte à atteindre 70,5% des dépenses de fonctionnement en personnel municipal, j'aurais pour ma part équilibré les choix pour prendre en compte la réalité sanitaire et sociale de notre commune, c'est ce qu'aurait fait une municipalité de gauche. Cette impasse sera donc votre marque de fabrique tout comme vous n'avez tenu compte de la crise sanitaire qu'au niveau national...
En conclusion, vous héritez d'une commune qui a été extrêmement bien gérée financièrement par vos prédécesseurs et chacun d'entre nous devrait les en remercier, vos actions ne révolutionnent absolument pas en volume global ce qui était engagé déjà par vos prédécesseurs... par contre, oui nous ne plaçons dans le même ordre les priorités, les nôtres sont de gauche, les vôtres ne le sont pas.

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18 mars 2021 4 18 /03 /mars /2021 15:37
commémorations du 150ème anniversaire de la Commune de Paris, sur la butte Montmartre, ce jeudi 18 mars 2021

commémorations du 150ème anniversaire de la Commune de Paris, sur la butte Montmartre, ce jeudi 18 mars 2021

C'est aujourd'hui le 150e anniversaire de la Commune de Paris. J'ai rédigé l'article ci-dessous pour la Gauche Républicaine et Socialiste.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons
Coordinateur national adjoint des pôles thématiques de la GRS

Le 18 mars 1871, le Gouvernement de « Défense Nationale » ordonne le désarmement de Paris. Partout dans Paris, des troupes s’activent pour retirer l’attirail qui permettait de défendre la capitale, encerclée par les armées prussienne et des princes allemands coalisés. Mais sur la butte de Montmartre, les ouvriers parisiens refusent qu’on leur retire les canons. Les soldats envoyés pour désarmer Montmartre reçoivent l’ordre de tirer sur les ouvriers ; ils refusent, finissent par rejoindre les ouvriers et livrer leurs officiers à la fureur vengeresse de la foule. Ainsi débute l’insurrection de la Commune.

Avec le sens de la formule qu'on lui connaît quand il se fait journaliste ou chroniqueur, Karl Marx écrivit à son propos « La plus grande mesure sociale de la Commune était son existence en actes »… Le retentissement de cet événement révolutionnaire dépasse les âges et les frontières : bien que la Commune n'ait pas grand chose à voir avec l'idéologie du fondateur de l'URSS, l’ambition de Lénine, en octobre 1917, était de durer plus que les 72 jours des Communards ; on dit qu'il se mit à danser de joie dans la neige et sur une des places du Kremlin après qu'un proche lui rappela que le délai espéré était dépassé.

barricade de fédérés parisiens au printemps 1871

barricade de fédérés parisiens au printemps 1871

Ferments et origines de la Commune

Ce sont d'abord les conditions économiques et sociales, qui avec les débuts de la Révolution industrielle accélérée par le Second Empire a fait naître un prolétariat industriel massif à Paris et dans sa proche banlieue. Nous sommes encore loin des grandes usines, Paris, ses rues et coursives entassent les ateliers qui sortent peu à peu de l'artisanat. Les rares lois sociales sur le travail sont truffées de dérogation et de toute façon ne sont pas ou peu appliquées, comme celle qui fixe à 11 heures maximum la journée de travail dans le département de la Seine. La grande pauvreté et une insalubrité effroyable sont la cause de taux de mortalité vertigineux ; la probabilité de mourir avant cinq ans, pour un enfant né dans le département de la Seine avoisine les 40 %. L'exploitation capitaliste est à son comble et la doctrine socialiste commence donc à faire des émules parmi les ouvriers de la Seine.

Mais il y a surtout et d'abord la guerre. Comme en 1793, « la Patrie est en danger » ! La France est envahie, largement occupée et Paris est encerclée. Le Peuple de Paris est porté par une mystique jacobine héritée de la Grande Révolution. Comme de celle déclenchée par Louis XVI en 1792, le Peuple ne voulait pas de cette guerre inutile déclenchée en 1870 par un nouveau caprice du « Prince Président » qui avait renversé la République pour se faire Empereur. Mais maintenant que le danger est là et que l'oppression étrangère est aux portes, le Peuple ouvrier et ses idoles libérées par la proclamation (pleine d'arrières pensées) de la République le 4 septembre – comme Auguste Blanqui – ne peuvent tolérer que le gouvernement de « Défense nationale » ne fasse rien pour libérer le territoire. Il ne s'agit pas d'un nationalisme chauvin, comme Déroulède, Barrès ou Maurras l'incarneront plus tard, ou celui institutionnalisé et mis en scène de la IIIème République en gestation, c’est le patriotisme égalitaire de 1793 et des sans-culottes. La patrie c'est la communauté elle-même, la communauté nationale, la communauté des citoyens, celle qui rend possible d'envisager la construction d'une société d'égalité et de justice, celle qui est la propriété commune de tous et non des seuls artistocrates et grands bourgeois qui se complaisent dans l'Empire ou la Monarchie.

Le déclenchement de la Commune est donc d'abord l'affaire d'un sentiment populaire patriotique puissant ; son instauration est réclamée depuis plusieurs mois par les plus radicaux des Républicains parisiens, comme Jules Vallès, journaliste dont l'audience et celle de son journal Le Cri du Peuple ont cru fantastiquement depuis l'automne 1870… réclamée comme conditions nécessaire pour une levée en masse, pour une défense populaire de la Capitale qui permettra au Peuple de réussir le désencerclement de Paris et le refoulement des armées occupantes.

illustration de la Commune par Jacques Tardi

illustration de la Commune par Jacques Tardi

Le déclenchement de la Commune c'est ensuite l'histoire d'une défiance légitime des Parisiens et de leurs leaders à l'égard du gouvernement de « défense nationale ». La République du 4 septembre, proclamée par surprise et à la va-vite, a des assises très faibles ; les Républicains sont divisés depuis le lendemain même de la proclamation entre ceux qui veulent réellement la Défense nationale, ceux qui recherchent une « paix honorable » et les « radicaux » (qui ne sont pas du gouvernement) qui espèrent que la levée en masse et la libération du territoire précéderont la République sociale. Le Gouvernement de « défense nationale » rassemble Républicains modérés et monarchistes (plus ou moins recyclés comme Adolphe Thiers) ; Léon Gambetta, tenant de la contre-offensive, va rapidement être isolé en son sein, après avoir quitté la capitale en ballon : Républicains modérés et monarchistes s'entendent d'autant plus pour une paix rapide que la levée en masse est nécessaire pour chasser les Prussiens et qu'ils craignent dans la foulée un nouveau Valmy, une renaissance de sans-culottes de l'An II, avec une population en armes qui pourrait alors s'en prendre aux possédants qui abusent sans vergogne. La tiédeur et la résignation devant la défaite se changent bientôt en trahison ; le gouvernement fait tout pour décourager toute tentative sérieuse de désencerclement de la Capitale. Le peuple de Paris se rend bientôt compte qu'on lui ment et qu'on le trahit alors qu'il porte sur lui les principales douleurs de la guerre et du siège. Vallès parle d'une croix pour laquelle d'innombrables "Judas" fournissent le clous enfoncés par de multiples bourreaux ; Blanqui écrit dans son journal La patrie en danger le 15 janvier : « le cœur se serre au soupçon d’un immense mensonge ». Il dénonce « l’abominable comédie » du Gouvernement de Défense Nationale qui refuse de donner au peuple les moyens de chasser les Prussiens. Conscient de son influence sur l’opinion, le Gouvernement de Défense Nationale le fait arrêter et mettre en prison. En tentant de désarmer, le 18 mars, Paris, ce dernier allume l'incendie révolutionnaire.

Si Communistes et Anarchistes se sont emparés – plus que d'autres encore – tout au long du XXème siècle de la mémoire de la Commune, celle-ci n'avait pas grand chose à voir avec le Communisme. L’action et les aspirations de la Commune étaient « toute empreinte de ce sentiment, vaguement socialiste parce qu’humanitaire, mais surtout jacobin », affirmait Gaston da Costa1. Mais la doctrine sociale des Jacobins était trop imprécise pour proposer à ce stade un programme économique cohérent (un des principaux reproches que fit Marx aux Communards). On peut cependant affirmer que la Commune marque une des étapes essentielles du basculement du jacobinisme au socialisme au sens large.

Réalisations et postérité

Si les Républicains ont eu tant de mal avec la Commune, c'est d'abord à cause de la mauvaise conscience et de l'hypocrisie d'une partie d'entre eux quant aux objectifs de la République, dont ils prétendaient faire un régime de conservation de l'ordre social ; c'est pour une autre partie une sorte de complexe d'infériorité ou de syndrome de l'imposteur : pour une part, la Commune aura mis quelques semaines à réaliser ou à initier ce que la IIIème République mettra 30 ans à faire (et encore).

L’école gratuite, laïque et obligatoire pour tous est votée et des écoles sont construites. C’est l’« instruction intégrale » dont parle Edouard Vaillant2, délégué à l’enseignement, et qui était pour lui la « base de l’égalité sociale ». Une part importante de l’action des municipalités devait être consacrée à l’éducation des filles et à l’enseignement professionnel. Une école d’arts appliqués réservée aux filles sera ainsi inaugurée le 13 mai. Dernier aspect, l’augmentation et l’égalisation, le 18 mai, du traitement des instituteurs et des institutrices, la commission constatant que « les exigences de la vie sont nombreuses et impérieuses pour la femme autant que pour l’homme ».

La Séparation des Eglises et de l'Etat est également décrétée.

La Commune a également imposé des mesures d’urgence chargées de soulager la population parisienne : extension du remboursement des dettes sur trois ans, interdiction d’expulser un locataire de son logement, rationnement gratuit…

1Gaston Da Costa, né à Paris le 15 décembre 1850 , mort à Bois-le-Roi le 11 décembre 1909, était un pédagogue, militant de gauche et communard français.

2Edouard Vaillant est une des figures centrales du socialisme français en gestation. Dirigeant après la Commune du Comité Révolutionnaire Central, organisation politique des blanquistes, il sera l'un des acteurs de l'unification progressive du socialisme français qui aboutit à la création de la SFIO en 1905 et à la reprise en main par les socialistes de la CGT en 1909.

illustration de la Commune de Paris par Jacques Tardi

illustration de la Commune de Paris par Jacques Tardi

Par ses avancées concrètes en matière d’organisation du travail, la Commune mérite aussi le nom de révolution sociale. Citons l’interdiction du travail de nuit pour les ouvriers boulangers, la suppression des amendes sur les salaires (décret du 27 avril) et des bureaux de placement, véritables instruments de contrôle social sous le Second Empire. La formule de l’association des travailleurs était considérée comme le principe de base de l’organisation de la production : il ne s’agissait pas de remettre en cause brutalement la propriété privée, mais d’en finir avec l’exploitation ouvrière par la participation collective à l’activité économique. Le décret du 16 avril prévoyait à la fois l’appropriation temporaire des ateliers fermés et la fixation par un jury arbitral des conditions financières d’une cession ultérieure et définitive aux associations ouvrières ; le travail y est limité à 10 heures par jour. Afin que le salaire assure « l’existence et la dignité » du travailleur (décret du 19 mai), les cahiers des charges des entreprises en marché avec la ville devaient indiquer « les prix minimums du travail à la journée ou à la façon » (décret du 13 mai) fixés par une commission où les syndicats seraient représentés. Dans cette logique, le salaire minimum aurait pu ensuite s’imposer à tous les employeurs.

Quant au chantier judiciaire, il réclamait sans doute bien plus de temps que celui dont bénéficia le délégué à la justice, Eugène Protot. Son bilan est pourtant loin d’être négligeable : suppression de la vénalité des offices et gratuité de la justice pour tous, y compris dans l’accomplissement des actes relevant de la compétence des notaires (décret du 16 mai), élection des magistrats au suffrage universel. Concernant les libertés publiques, le langage officiel — « Il importe que tous les conspirateurs et les traîtres soient mis dans l’impossibilité de nuire, il n’importe pas moins d’empêcher tout acte arbitraire ou attentatoire aux libertés individuelles » (14 avril) — contraste avec la réalité moins glorieuse des actes commis sous le couvert de l’« ex-préfecture de police », sans parler de l’exécution des otages entre le 23 et le 26 mai 1871.

Des Jacobins aux Anarchistes, il existait un objectif commun parmi les Communard : l’institution des conditions d’une souveraineté populaire concrète. La Commune privilégiait, comme les sections du Paris révolutionnaire et conventionnel, le mandat impératif : les élus n’étaient pas autonomes de leurs électeurs, mais constamment révocables. C'était la mise en pratique de la conviction que sans contrôle des élus par le peuple, sans implication permanente du peuple dans les affaires politiques, sans politisation permanente de la vie quotidienne, la démocratie deviendrait une coquille vide. Karl Marx y voyait un choix positif, considérant que le suffrage universel sous un régime représentatif ne permettait au peuple que « de décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante doit « représenter » et fouler aux pieds le peuple au parlement ». La Commune faisait , selon lui, du suffrage universel l'outil du peuple pour « remplacer les maîtres toujours hautains du peuple par des serviteurs toujours révocables ». Le débat resurgit après l'écrasement de l'insurrection et on connaît la réponse du Gambetta qui, rallié à la République modérée, défendit le mandat représentatif après avoir endossé le principe du mandat impératif en 1869. Sans aller jusqu'à la nécessité de la révocation des élus, la caricature de nos institutions et de l'intervention des citoyens devraient aujourd'hui nous inciter à trouver des solutions ambitieuses pour redonner son souffle à la souveraineté populaire.

Dans ce même esprit de concrétisation de la souveraineté populaire, la Commune a encouragé la prise du pouvoir militaire par la population. L’armée de métier a été abolie, les citoyens sont en armes et l'objectif est de créer une « milice nationale qui défend les citoyens contre le pouvoir, au lieu d’une armée qui défend le gouvernement contre les citoyens ». On retrouvera cette même intuition quelques décennies plus tard dans L'Armée nouvelle de Jean Jaurès.

L'effervescence politique a également conduit au questionnement du rôle que la société avait assigné aux femmes : celles de citoyennes passives, par nature inférieures. La Commune a permis aux femmes de s’impliquer dans la vie de la cité au même titre que les hommes. À la tête des clubs populaires et de leurs journaux comme La Sociale d’Andrée Léo, elles ont imposé dans la Commune les mesures sociales les plus avancées. Personne ne peut nier que l'une des leaders populaires les plus marquantes de cette Révolution, l'institutrice libertaire Louise Michel (présente pour défendre les canons de Montmartre le 18 mars), est une des plus fortes et grandes figures féministes de notre pays.

Preuve supplémentaire de l'absence de nationalisme obtus chez les Communards, qui reprennent à leur compte l'universalisme républicain, les étrangers sont associés dans le processus. Nombre d’entre eux ont combattu aux côtés des troupes françaises après la proclamation de la IIIème République, le 4 septembre 1870 : Garibaldi et ses « chemises rouges », mais aussi des Belges, des Polonais, des Russes, etc. A propos de l’élection de l’ouvrier bijoutier Léo Frankel, né en Hongrie, la commission des élections explique : « Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyen aux étrangers qui la servent, (...) la commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis ».

Les Communards affirmaient ainsi la vocation internationaliste de leur idéal tout en multipliant par ailleurs les appels à la fraternisation à l’égard des soldats allemands. Alors même que la lutte avec les Versaillais avaient débuté, les Communards ne renoncèrent en rien aux principes de démocratie directe au sein de leur armée, avec une perte catastrophique de coordination, de cohérence et d'efficacité dans leur défense militaire… Voilà bien une « leçon » que les Bolchéviques auront retenus : il suffit de voir sur quelles bases, avec quelle dureté et quelle violence, Léon Trotsky organisa l'Armée Rouge et la guerre contre les « Blancs ». Voilà bien un domaine supplémentaire qui démontre à quel point les Communards différaient du communisme bolchévique qui domina nominalement l'imaginaire de la gauche durant une bonne moitié du XXème siècle.

allégorie de la répression sanglante et criminelle de la Commune par les Versaillais (dessin de Jacques Tardi)

allégorie de la répression sanglante et criminelle de la Commune par les Versaillais (dessin de Jacques Tardi)

Les Versaillais vont incarner une autre internationale, celle des possédants. Le gouvernement Thiers a signé l'armistice et ratifié le traité qui sanctionne la capitulation française, comme l'avait craint les Blanqui et Vallès. Faux républicains et vrais Bourgeois s'entendent parfaitement avec le pouvoir du nouvel Empire allemand pour tuer dans l'œuf au plus vite cette révolution sociale parisienne qui pourrait faire tâche d'huile avec ses acteurs mêlant héritiers des jacobins français et représentant anarchistes et marxistes de la Première internationale (AIT1). La levée en masse de troupes venue des quatre coins de la France a bien été réalisée finalement mais elle sera utilisée pour marcher contre Paris. Avec la complicité de l’armée prussienne, les Versaillais pénètrent dans la capitale le 21 mai et massacrent méthodiquement les insurgés, mal organisés, mal préparés, mal informés par leurs journaux, tétanisés par la cruauté des premiers combats. La « Semaine Sanglante » du 21 au 28 mai 1871 se conclura par la mort et l'exécution de quelques 17 000 Communards (dont Charles Delescluzes, Eugène Varlin, Louis Rossel…) ; c'est un véritable massacre, bien plus sanglant que les victimes mises sur le compte de la Terreur révolutionnaire de 1792-1794 pour toute la France ! Près de 5 000 prisonniers politiques seront déportés – « la guillotine sèche » – en Nouvelle-Calédonie comme Louise Michel ; un nombre comparable ne devra la vie qu'à l'exil (tels Jules Vallès, les frères géographes et libertaires Elie et Elisée Reclus ou encore Gustave Courbet à qui la République réclamera les sommes pour relever la colonne Vendôme, ce symbole abject de l'oppression bonapartiste…) en Belgique, en Suisse, en Grande-Bretagne ou aux Etats-Unis. Peu d'entre eux reviendront après l'amnistie de 1880 comme Benoît Malon (fondateur de la Revue Socialiste, enterré au Mur des fédérés et dont l'éloge funèbre fut prononcée par Jean Jaurès), Jules Vallès ou Jules Guesde (rentré en France en 1876, il est le fondateur du Parti Ouvrier français, organisation marxiste qui sera l'une des composantes, après bien des péripéties, de la SFIO en 1905).

* * * * *

« Le cadavre est à terre mais l’idée est debout » : ces mots de Victor Hugo reviennent régulièrement sous les plumes célébrant l’héritage de la Commune de Paris. Mais Hugo, tout en transition vers le socialisme qu'il était, ne fut pas exempt d'ambigüités ; ainsi écrivait-il dans Le Rappel, en avril 1871 : « Je suis pour la Commune en principe, et contre la Commune dans l’application. » Une phrase qu'aurait pu prononcer quelques Républicains ralliés au compromis comme Gambetta ou plus tard les Radicaux des années 1880-1900 pour justifier leur mauvaise conscience et leur mauvaise foi vis-à-vis de l'évènement. Hugo lui au moins condamna avec la dernière énergie les massacres commis par la répression. Mais d'une certaine manière, l’enjeu présent est là, loin des momifications mémorielles et parfois dévoyées qui ont souvent accompagné les célébrations et les récupérations de la Commune. Il ne faut pas, il ne faut plus s’en tenir à des principes, souvent formulés aujourd’hui sous la forme de droits – droit au logement, droit au travail, égalité femmes-hommes, liberté de conscience – ou parfois restés évanescents – la souveraineté populaire et la liberté d'informer plus fortes que la propriété privée et capitaliste – ; non il est urgent de passer à leur mise en application.

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13 mars 2021 6 13 /03 /mars /2021 09:19

Il n'y a pas qu'à Bezons que l'opposition de gauche se trouve maltraitée.

Pierre Font, maire LR de Sartrouville et président de la communauté d'agglomération Saint-Germain/Boucle-de-Seine, use de pratiques déloyales pour s'assurer qu'il n'entendra pas de voix discordantes. Avec le groupe de gauche du conseil communautaire, nous dénonçons les pratiques douteuses de la majorité de droite dont est complice par ailleurs la maire de Bezons Nesrine Menhaouara et sa majorité divers droite.

Pour mieux expliquer que ne le fait l'article du Courrier des Yvelines (que vous trouverez ci-dessous), alors qu'initialement le conseil d'agglomération avait été annoncé à 20h (et que le couvre-feu était déjà en vigueur), le président de l'agglomération Pierre Fond a justifié sans rire une convocation à 17h pour ... "tenir compte du couvre-feu à 18h" !?! vaste blague car évidemment cet horaire ne permettait ni aux élus, ni au public (justification invoquée uniquement en réponse aux journalistes et non à l'intention des élus - car il n'y a jamais de public lors des conseils communautaires, en pratique) d'être rentrés avant 18h... d'ailleurs les services communautaires ont indiqué que les élus recevraient une attestation leur permettant de circuler après le couvre-feu.

D'autre part, du fait des mesures relatives à l'état d'urgence sanitaire, les ordonnances autorisent les assemblées locales a se réunir sans la présence du public : c'est ce qui se fait à Bezons au demeurant depuis plusieurs mois. On notera que la maire de Bezons s'est bien gardée de le faire remarquer à M. Fond dont elle est la vice-présidente et complice. L'obligation de tenir le conseil communautaire en présence du public et donc une toute petite heure avant le couvre-feu ne tient donc pas - et un système de diffusion en direct sur le site internet de l'agglomération aurait en plus garanti la publicité des débats.

Une fois écartée la mauvaise foi évidente de Pierre Fond, il ne reste qu'une explication rationnelle : Pierre Fond ne supporte pas la présence d'une opposition communautaire, dont la présidente Isabelle Amaglio  lui cause déjà quelques soucis en démontant les incohérences de sa gestion municipale à Sartrouville. A titre de rappel, nous avons déposé un recours au tribunal administratif contre le règlement intérieur du conseil d'agglomération au regard d'une méconnaissance évidente des droits de l'opposition... une procédure comparable à celle engagée contre le règlement intérieur du conseil municipal de Bezons.

Je vous invite à visiter le site internet du groupe de gauche de l'agglomération : https://casgbs-aces.fr/ mais aussi sa page facebook : https://www.facebook.com/casgbsaces et son compte twitter : https://twitter.com/casgbsaces.

Frédéric FARAVEL
conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

article extrait du Courrier des Yvelines

article extrait du Courrier des Yvelines

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11 mars 2021 4 11 /03 /mars /2021 18:38

J'ai signé cette tribune collective (ci-dessous) dans Politis afin d'appeler les différentes organisations de gauche et écologistes à se rassembler dès le premier tour des élections régionales. Partout en France, sauf à de rares exceptions (quand les présidents de région s'avèrent être en fait encore aujourd'hui des soutiens de la politique d'Emmanuel Macron), les programmes annoncés par les différentes formations politiques ne justifient aucunement de se compter au premier tour d'autant que le risque d'une élimination et d'une défaite au second tour inscrite dans les tactiques du premier tour est particulièrement important.

Pour ma part, je considère - je l'ai déjà écrit - que rien d'important ne distingue aujourd'hui les programmes de Julien Bayou (EE-LV), Audrey Pulvar (PS) ou Clémentine Autain (LFI-PCF)... Le refus obstiné des deux premiers de permettre un rassemblement de toute la gauche et des écologistes en Île-de-France au premier tour masque mal une volonté hégémoniste, une stratégie pour écraser les autres et/ou se "refaire" avant la campagne de l'élection présidentielle de 2022... pire il masque mal la volonté de reconduire les mêmes personnalités et stratégies qui ont fait perdre la région à la gauche en 2015.

Il est plus que temps de mettre fin à ces enfantillages dans la clarté d'une alternative solide aux trois droites, conservatrice, macroniste et lepéniste.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons

Vous pouvez signer la pétition qui accompagne cette tribune ⤵️
https://www.change.org/p/pour-le-rassemblement-des-forces-de-gauche-et-%C3%A9cologistes-du-local-au-national

Du local au national : l’intérêt politique du rassemblement dès le premier tour - tribune dans Politis

Des élu·es de gauche et écologistes appellent à la formation de listes unitaires dès le premier tour des élections régionales. Les convergences nombreuses le permettent, le risque de n’être pas présents au second tour l’exige, selon les signataires.

Les élections régionales se dérouleront les 13 et 20 juin. Face aux urgences sociales, environnementales, démocratiques, face à un gouvernement qui, loin d’y répondre, amplifie les inégalités et reste inerte quand « la maison brûle », cette échéance représente une chance de disposer de leviers d’action importants et de peser ainsi en faveur de la transition écologique, des services publics, de la réduction des inégalités et de l’implication citoyenne.

Cette perspective risque, toutefois, d’en rester au seul stade de l’espoir dans bien des régions si la condition du rassemblement dès le premier tour n’est pas remplie et, que nous en restons à la pluralité actuelle des listes envisagées.

Les convergences sont pourtant là, évidentes à la lecture des programmes en préparation. Les écologistes n’occultent pas plus les problématiques sociales que les listes de gauche n’ignorent l’urgence de la transition énergétique et écologique. De part et d’autre, nous savons qu’il est urgent d’agir pour une économie au service des hommes et de l’environnement. De part et d’autre, nous sommes conscients de la valeur émancipatrice de la culture que le politique ne doit jamais soumettre à sa dictée mais dont il doit garantir l’accès à toutes et tous. De part et d’autre, nous reconnaissons la nécessité de soutenir et de développer des services publics de qualité, patrimoine de celles et ceux qui n’en ont pas d’autre. De part et d’autre, nous savons qu’il est de notre responsabilité de répondre aux appels d’une jeunesse qui marche pour le climat mais fait aussi la queue pour la distribution alimentaire.

Le pari stratégique de la division au premier tour pour « se compter » est, dans la situation actuelle des forces progressistes, beaucoup trop risqué face à l’enjeu majeur d’obtenir des majorités régionales agissant vraiment pour celles et ceux qui en ont le plus besoin. Enclencher d’emblée une dynamique unitaire revient, au contraire, à se donner toutes les chances de disposer des moyens d’agir autour d’un programme enrichi des apports spécifiques des différentes forces de gauche et des écologistes.

Mais, au-delà des victoires locales, ce qui se joue aussi c’est la crédibilité de notre capacité à représenter, demain, au plan national, une alternative à la droite et l’extrême droite. Divisées au premier tour en2022, les forces politiques de gauche et écologistes seront, à nouveau, éliminées du second tour. Rappeler en juin que les enjeux exigent le dépassement des stratégies risquées, c’est aussi mobiliser celles et ceux qui se lassent de la mise en arrière-plan de l’essentiel et ne croient plus en une parole qui décrit les urgences sans se donner les moyens d’y répondre.

Comme femmes et hommes de gauche et écologistes, soucieuses et soucieux de la justice sociale comme de la transition écologique, nous ne pouvons nous y résigner et nous empêcher de penser que les obstacles à l’union pèsent peu face à la finalité profonde de notre engagement : agir pour changer la vie, en mieux… Et il y a le feu…

Premiers signataires :
BARAT Joëlle, conseillère régionale Parti socialiste (Grand Est) ; BATÔT Émilien, membre du collectif écolo et social et du comité Génération·s d’Issy-les-Moulineaux (Île-de-France) ; BELAREDJ-TUNC Hadhoum, conseillère départementale Marne, Gauche républicaine et socialiste (Grand Est) ; BOISSIER Bernard, ancien maire de Langogne, président du collectif de Défense et de Développement des services publics en Combraille, Gauche républicaine et socialiste ; BUREAU Jocelyn, conseiller métropolitain de Nantes Métropole, divers gauche (Pays de la Loire) ; CASIER Philippe, conseiller départemental de la Somme, Génération·s (Hauts de France) ; CHANTECAILLE Martine, conseillère municipale et communautaire La Roche-sur-Yon, divers gauche ( Pays de la Loire) ; COLIN Hélène, conseillère régionale, maire-adjointe à Chatenois, Parti Socialiste (Grand Est ) ; CUCCARONI Martine, conseillère municipale La Ciotat, Parti socialiste (Paca) ; DAMIS-FRICOURT Delphine, conseillère départementale de la Somme, Génération·s (Hauts-de- France) ; DE MORGNY Arnaud, juriste en droit public, coordonnateur Gauche républicaine et socialiste (Île-de-France) ; DEDET Pierre, conseiller municipal Bourges, Gauche républicaine et socialiste (Centre-Val de Loire) ; DELCASSE Arnaud, responsable de coopérative Antibes, Gauche républicaine et socialiste (Paca) ; DENIS Blandine, conseillère départementale de la Somme, Génération écologie, (Hauts-de-France) ; DESCAMPS Ninuwé, conseillère municipale Poudrières, Parti socialiste (Paca) ; DRIOLI Adrien, conseiller municipal de Lyon, Gauche républicaine et socialiste (Auvergne-Rhône-Alpes) ; DUGUÉ Caroline assistante sociale, Poitiers, Gauche républicaine et socialiste (Nouvelle Aquitaine) ; FARAVEL Frédéric, conseiller municipal et communautaire Bezons, Gauche républicaine et socialiste (Île-de-France) ; GRALEPOIS Alain, ancien vice-président à la culture conseil régional des Pays de la Loire, Parti socialiste, Nantes ; GRATACOS Anthony, conseiller municipal de Moussy-le-Neuf, secrétaire général de la Gauche républicaine et socialiste (Île-de-France) ; GUIRAUDOU Hugo, coordinateur « Résilience commune », responsable pôle jeunesse Gauche républicaine et socialiste (Île-de-France) ; JUTEL Elisabeth, conseillère régionale Gauche républicaine et socialiste (Nouvelle-Aquitaine) ; LANDINI Damien, référent Génération·s Marne (Grand Est) ; LEFEBVRE Rémi, professeur de sciences politiques à l’Université de Lille-II (Hauts-de-France); LENFANT Gaëlle, conseillère municipale Aix-en Provence, Gauche républicaine et socialiste (Paca) ; LÉONARD Christophe, conseiller municipal Revin, ancien député (Grand Est) ; LEPRESLE Marion, conseillère départementale de la Somme, Génération écologie (Hauts-de-France) ; MOINE Nathalie, conseillère municipale Saint-Pathus, Gauche républicaine et socialiste (Île-de-France) ; MOTTO-ROS Bernard, conseiller municipal Saint-Jean-du-Pin, Gauche démocratique et sociale (Occitanie) ; NAKACHE David, conseiller municipal Nice, président de l’association « Tous citoyens », Génération·s (Paca) ; NIVELET Igor, militant communiste, membre du conseil départemental PCF 08 (Grand Est) ; PAPIER Anne, conseillère municipale et communautaire Charleville-Mézières, Génération·s (Grand Est) ; PROUX Laurence, conseillère municipale Challans, membre de « Solidaires par nature Nord-Ouest Vendée », divers gauche (Pays de la Loire) ; SULIM Jérôme, maire-adjoint Saint-Herblain, Gauche républicaine et socialiste (Pays de la Loire).

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9 mars 2021 2 09 /03 /mars /2021 14:35

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) cette note sur le projet de loi "séparatismes" défendu par le gouvernement qui arrivera au Sénat en mars 2021. C'est une terrible instrumentalisation des principes républicains au service d'un clan politique et qui n'apportera rien à la lutte contre l'islamisme, mais abimera la Laïcité.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire GRS de Bezons
Coordinateur national des pôles thématiques de la GRS

Confusion, Communication et Concordat : les trois « C » d'un projet de loi « séparatismes » qui abîme la loi de 1905

L'examen du projet de loi improprement appelé "confortant le respect des principes de la République" à l'Assemblée nationale a démontré à qui veut bien l'entendre à quel point c'est un (très) mauvais texte. L'exécutif et la majorité présidentielle proclament à tue tête qu'ils renforceront par là la laïcité et les moyens de lutte contre les séparatismes et plus particulièrement contre l'islamisme. Ce n'est pas parce qu'une affirmation est répétée ad nauseam qu'elle en devient vraie.

L'examen sérieux de ce texte et les débats auxquels il a donné lieu nous amènent à conclure que c'est un texte de circonstance, au mieux inutile et au pire dangereux. C'est la raison pour laquelle de nombreuses personnalités et associations inscrites dans le combat pour la Laïcité s'y opposent.

En effet, les principales mesures mises en avant par les promoteurs de ce projet existent déjà dans la loi et ce texte n'apporte rien de neuf, ne permet aucune efficacité concrète supplémentaire qui le justifierait

Emmanuel Macron aux Mureaux en octobre 2020

Emmanuel Macron aux Mureaux en octobre 2020

Un texte de circonstance, qui aligne mesures redondantes, inefficientes et parfois dangereuses

Ainsi, l'article 1er inscrit dans la loi le principe dégagé par la jurisprudence selon lequel les organismes de droit privé chargés de l’exécution d’un service public sont soumis aux principes de neutralité et de laïcité du service public pour les activités qui relèvent de ce champ. On peut donc se demander si – au-delà du choix d'un affichage politique permettant au Président de la République de dire qu'il « agit » – il était réellement besoin d'inscrire dans la loi une jurisprudence acceptée partout et qui a ainsi défini le principe en question.

L'article 4 crée une nouvelle infraction pénale afin de mieux protéger les agents chargés du service public en sanctionnant les menaces, les violences ou tout acte d’intimidation exercés à leur encontre dans le but de se soustraire aux règles régissant le fonctionnement d’un service public. Mais la législation actuelle devrait déjà le permettre ! Que va changer cette nouvelle infraction ? Les agents publics seront-ils mieux protéger pour autant. Il paraît plus important que ce soit l'attitude de l'administration et de la hiérarchie dans la fonction publique, notamment dans la fonction publique territoriale ou l'éducation nationale, où jusqu'ici les agents ont été peu suivis, peu soutenus (avec parfois des conséquences mortelles) avec un discours qui aurait pu se résumer à un « pas de vagues »... L'article 5 est du même acabit.

Par ailleurs, le débat parlementaire a été trop longtemps accaparé par l'amendement Bergé d’interdiction du port du voile par des fillettes. Cette disposition – en apparence nécessaire puisque le voilement de petites filles se rattache à une pratique sectaire compromettant gravement l’épanouissement et les conditions d’éducation d’une enfant – est cependant inutile. Le dispositif légal de protection de l’enfance en danger (article 375 du code civil) octroie en effet au juge des enfants de larges pouvoirs lui permettant d’ordonner qu’une fillette voilée soit confiée à d’autres référents (personnes physiques ou institutions) qu’à ses parents. Il suffirait donc de décider d'appliquer la législation actuelle : il s'agit d'une affaire de volonté politique au sens strict du terme et non d'effets d'estrade ou de plateau TV.

L'article 18 reprend en partie le fameux article 24 de la proposition de loi « sécurité globale ». La création d'un nouveau délit de mise en danger de la vie d'autrui paraît superflue car les articles R 226-1 et suivants du code pénal et l'article 9 du code civil couvre déjà ce champ : il est strictement interdit de dévoiler publiquement des informations et des données personnelles sans l'accord de la personne concernée. La question est comme pour la protection des fonctionnaires dans l'article 4 du projet de loi la volonté de mettre en œuvre la législation existante... Par ailleurs, ce nouveau délit pose une difficulté majeure : comment un juge pourra-t-il caractériser l’intention de nuire ?

Mesure dangereuse et déjà retoquée par le Conseil constitutionnel : la création du délit de haine en ligne n’est qu’un réchauffé de la loi Avia retoquée par le Conseil constitutionnel. La définition juridique de ce délit est toujours vague et, surtout, ce dernier pourra être jugé en comparution immédiate. Il s’agit d’une dénaturation de la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Le gouvernement prétend néanmoins qu’il ne s’appliquera pas aux journalistes, au mépris du principe d’égalité de tous les citoyens devant la loi.

Aurore Bergé, députée juppéiste LREM des Yvelines

Aurore Bergé, députée juppéiste LREM des Yvelines

Disposition tout à la fois inutile et vexatoire, le projet de loi propose de renforcer les contrôles sur les associations cultuelles soumises au régime de la loi de 1905. Dans le même temps, le projet de loi met en place une disposition qui prétend favoriser le passage des associations cultuelles sous régime de la loi de 1901 à celui de 1905 ; cette mesure s'adresse essentiellement aux associations catholiques et musulmanes qui vivent sous ce régime, mais sans les y contraindre. Il semble que ce processus de transition du statut 1901 vers le statut 1905 répond à une demande de nombreuses associations cultuelles musulmanes, soucieuses de mettre fin à la suspicion dont elles font l'objet le statut 1905 impliquant déjà plus de contraintes que celui de 1901 ; il est peu probable par contre que les organisations catholiques utilisent ce dispositif, n'ayant jamais accepté de se conformer à la loi de 1905 et s'étant vues reconnaître par décret en 1923-1924 un statut dérogatoire au travers des « associations diocésaines ». À court et moyen termes, qui subira donc le renforcement des contrôles sur les associations cultuelles soumises au régime de la loi de 1905 ? Il s'agira des associations protestantes et juives (sur les quelques 4 000 associations de loi 1905, près de 75% appartiennent à la Fédération Protestante de France, le reste étant largement le fait des associations synagogales) qui ont toujours tenu à respecter la loi de 1905 (dans sa lettre et dans son esprit) qu'elles appelaient d'ailleurs de leurs vœux. Cela explique que les principaux dirigeants de la Fédération protestante de France soient aujourd'hui à l'initiative d'un lobbying très actif contre le projet. Il faut reconnaître qu'il y a de quoi s'interroger quand le projet de loi ne propose rien de sérieux pour combattre l'islamisme radical et que les mesures plus concrètes aboutissent à faire chier ceux avec qui on n'a jamais eu aucun problème ou à donner des gages supplémentaires à l'église catholique (en matière patrimoniale), nous y reviendrons, qui n'a jamais vraiment respecté la loi de 1905 ...

Au titre des dispositifs inapplicables ou inefficient, notons par exemple : Les mariages forcés. Ils existent bien évidemment, mais sont très rarement célébrés sur le territoire national. Or le dispositif de vérification de la réalité du consentement par un entretien préalable avec un officier d’état civil ne s’appliquerait qu’en France. La précision en la matière n'est pas condamnable mais elle n'aura aucune efficacité concrète.

Le gouvernement prétendait contrôler plus fermement les établissements scolaires privés hors contrat – le président de la République évoquant lors de son discours des Mureaux ces établissements comme un paravent pour la déscolarisation de nombreux enfants qui y seraient embrigadés par des islamistes. À la lecture de l'article 23, on cherche vainement où se trouve le renforcement des contrôles, se contentant d'alourdir timidement les sanctions contre les établissements déjà hors des clous. L'éducation nationale est en train de réduire le nombre de postes, comment imaginer dans cette situation que le renforcement des contrôles puisse être effectif : en réalité, ces contrôle vont même diminuer en pratique. Quant au devenir de l'école à la maison, il n'existe malgré la communication initiale du gouvernement aucune contrainte supplémentaire…

Le projet de loi prétend empêcher les discriminations entre filles et garçons en matière d’héritage. Mais cela est interdit depuis longtemps en France : on ne peut plus déshériter totalement un de ses enfants, même si on peut limiter sa part à la portion réservataire. Dans ce contexte légal, comment un dispositif de contrôle accru (qui, de toute façon, ne pourrait s’appliquer qu’aux biens immobiliers se trouvant en France) pourrait-il être efficace ?

Les certificats de virginité ou la polygamie sont évidemment déjà interdits en France et une jurisprudence fournie ont renforcé depuis longtemps notre arsenal juridique en la matière. On se demande bien dans ce contexte ce qu'apporte de neuf et d'efficace les articles 14 et 16.

Nous ne pouvons que nous interroger sur la présence dans un projet de loi de mesures redondantes avec le droit français et/ou inefficiente et sur des pratiques souvent marginales (ce qui ne retirent rien à la nécessité de les combattre). Pour notre part, nous ne pouvons verser dans le discours réducteur expliquant que ce texte stigmatiserait les musulmans ; les réseaux sociaux ont trop souvent répandu de fausses informations initiées par des organisations islamistes tentant de faire croire que le projet de loi porterait atteinte à la liberté de conscience et d'exercice du culte. Tout cela est faux et de telles affirmations ne résistent pas à la lecture du texte. Il est cependant particulièrement curieux que le gouvernement (et les médias) aient choisi d'insister dans leur communication sur des mesures du projet de loi qui sont les plus anecdotiques et qui ont le moins de portée pratique : cette stratégie de communication est effectivement stigmatisante car elle donne à penser que ces pratiques marginales sont plus répandues que dans la réalité et qu'étant essentiellement le fait de quelques centaines de familles de confession musulmane les musulmans seraient plus indulgents que les autres citoyens français à leur égard (ce qui est faux). Le gouvernement est donc bien lancé dans une course à l'image avec le RN pour savoir qui sera le plus dur avec un islamisme « fantasmé » car étendu à l'ensemble des Français de confession musulmane (voire tous ceux qu'on assigne à religion supposée du fait de leur nom ou de leur figure), comme nous l'a démontré le spectacle indigne donné par Gérald Darmanin face à Marine Le Pen sur France 2.

Débat entre Marine Le Pen et Gérald Darmanin sur France 2 le 11 février 2021

Débat entre Marine Le Pen et Gérald Darmanin sur France 2 le 11 février 2021

Le penchant concordataire du Macronisme

Plus grave, ce projet de loi applique une logique concordataire contraire à la loi de 1905 et s'autorise même à quelques cadeaux supplémentaire pour l'Eglise catholique du point de vue financier et immobilier. Les accointances coupables d'Emmanuel Macron avec l’Église romaine ne sont pas une nouveauté pour qui se souvient du scandaleux discours prononcé en 2018 au couvent des Bernardins ; c'est en fait toute la pensée "présidentielle" qui est acquise au Concordat.

Il n'est nul besoin de préciser que l'exécutif et la majorité présidentielle ne comptent en aucune manière toucher au Concordat d'Alsace-Moselle et aux statuts spéciaux de la Guyane et de Mayotte. Plus généralement, le projet de loi refuse l’extension de la loi de 1905 à tous les territoires de la République. Les amendements généraux en ce sens ont été rejetés en commission. Pire ! Les débats de l'Assemblée Nationale ont abouti au renforcement du « droit local » concordataire d’Alsace et de Moselle. Dans le texte initial du projet, les dispositions modifiant les lois de 1905 et de 1901 étaient étendues aux « associations inscrites » de ces territoires. Or le Gouvernement, cédant aux pressions du lobby localiste, les en a retirées, pour les inscrire dans le prétendu « droit local », alors que celui-ci n’a qu’un caractère provisoire (selon le Conseil constitutionnel) et devrait être harmonisé avec le droit commun de la République. Le « séparatisme » politique alsacien en sort « conforté ». Notons que ce « séparatisme » local dépasse très largement le camp de la droite macroniste ou conservatrice : quand Olivier Faure, premier secrétaire du PS, s'était prononcé en décembre 2020 en faveur de l'abolition du Concordat d'Alsace-Moselle, il avait été vertement et publiquement tancé par de nombreux dirigeants et élus locaux de son parti. Or quand on défend la République et son projet, il faut savoir être exemplaire. On ne peut pas exiger que la règle commune s’applique à tous si on prétend conserver ses privilèges. Il y a quelque chose d'indécent à défendre une situation d'exception : Le prétexte des "réalités locales" qu'ils mettent en avant est inepte : la République ne saurait diviser ses citoyens en fonction de leur religion ou de leurs associations confessionnelles où que ce soit sur le territoire.

Pensant obtenir (ou faisant semblant de le penser) ainsi un ralliement de l’Église catholique au régime de la loi de 1905, ce qui n'est pas à l'ordre du jour, le gouvernement a « lâché » une contrepartie importante : la possibilité pour les associations cultuelles d’avoir des immeubles de rapport, à condition que ceux-ci soient acquis gratuitement par dons et legs. Cela permettra à certains cultes déjà bien dotés en immobilier (essentiellement l’Église catholique) de renforcer leur position patrimoniale et financière et d’en distribuer à volonté les bénéfices.

Cette nouvelle disposition va permettre aux écoles privées confessionnelles, très majoritairement d’obédience catholique, de faire don aux associations diocésaines de leur patrimoine immobilier. Largement financées par l’argent public depuis la loi Debré (1959) et la loi Carle (2009), ces écoles contribueront au financement du culte catholique.

Dérive concordataire encore dans les modifications imposées aux associations soumises au régime de la loi de 1905, alors que justement cette dernière avait trouvé un équilibre qui n'a pas beaucoup de raison d'être mis en cause et assurer une grande liberté d'organisation et d'exercice du culte. Les associations cultuelles, loi 1905, verraient avec l’article 26 une immixtion dans leur liberté d’organisation, avec l’article 27 des procédures qui ont fait la preuve par le passé de leur lourdeur et inefficacité, et avec les articles 33, 35 et 36 un contrôle financier qui nous paraît disproportionné au regard des effets escomptés. Alors que le but initial du projet de loi était de rendre attractive la loi 1905, pour notamment encourager l’islam français à choisir ce cadre législatif, le projet de loi multiplie les contraintes concernant l’ensemble des associations relatives à l’exercice du culte. Au lieu de veiller à l’égalité de traitement de toutes les associations, il introduit des discriminations, y compris dans des domaines qui ne relèvent pas de leur objet spécifique. Ces contraintes nouvelles auront-elles quelque effet pour limiter le séparatisme ? On peut en tout cas poser la question.

Estampe de propagande montrant Napoléon Bonaparte en grand ordonnateur des "libertés" des cultes et du Concordat

Estampe de propagande montrant Napoléon Bonaparte en grand ordonnateur des "libertés" des cultes et du Concordat

Or la loi de 1905 et le principe de laïcité séparent les Religions et l’État, ils garantissent l'intérêt général en empêchant que des convictions et organisations religieuses imposent leur vue à la conduite des affaires publiques ; ils établissent définitivement la souveraineté populaire face à toute tentative d'imposer un « droit divin ». Mais la laïcité et la loi de 1905 établissent aussi la neutralité et la non intervention de l’État dans les affaires internes des associations cultuelles pourvu qu'elles respectent les lois de la République (tout comme les lois sur la liberté d'association en général). De ce point de vue, certains font mine de ne pas comprendre que ce projet de loi pouvait donc mettre en cause certaines dispositions permettant la liberté de culte, en ce sens que l’administration n’a pas à s’immiscer dans l’organisation interne « des » cultes. Or, en l’occurrence, le principe de séparation commence à être écorné. Ce type de dispositions pourrait être poursuivi et le principe de séparation des Églises et de l’État ne serait plus assuré. Certes, il y aurait toujours la possibilité de recours devant le juge administratif, mais ce type de démarche remontant parfois jusqu'au Conseil d'Etat et aux Cours européennes conduirait probablement notre État à être désavoué. En jouant avec les principes, en tentant de généraliser un état d'esprit concordataire, l'exécutif macroniste fragilise en réalité la République face à toutes les organisations confessionnelles car il nous ferait subir une forme de judiciarisation de la vie cultuelle. Or cela n'était jusqu'ici le fait que de groupement sectaire (parfois avec succès car les Témoins de Jéhovah se sont vus reconnaître en juin 2000 le statut d'association cultuelle que leur contester l'administration fiscale) et le risque serait sans doute aujourd'hui plus grave qu'hier dans ce domaine ; nous y reviendrons.

L'esprit concordataire du pouvoir s'exerce enfin en direction des organisations cultuelles musulmanes. Nous ne pouvons ici que conseiller à l'exécutif d'agir avec plus de prudence qu'il ne le fait. En effet, tous ceux qui se sont donnés pour mission d'intervenir dans l'organisation des associations cultuelles musulmanes et de les contraindre à se confédérer, au prétexte de mettre fin à la « chienlit », ne peuvent pas prétendre à afficher des résultats solides. La création du Conseil Français du Culte Musulman par Nicolas Sarkozy a abouti à plusieurs années de polémiques et de conflits financiers, institutionnels et politiques dans lesquels l'Etat est désormais systématiquement pris à partie sans arriver à déterminer quels sont réellement ses interlocuteurs légitimes. Manuel Valls et Bernard Cazeneuve ont à nouveau tenté de régler ces difficultés entre 2015 et 2017 ; ils ont dû rétropédaler assez piteusement. En plein examen du projet de loi sur les « séparatismes », Emmanuel Macron a franchi un cap supplémentaire, qui met l'Etat en porte-à-faux avec son propre principe de laïcité.

Ainsi lundi 18 janvier 2021, le ministre de l'intérieur Gérald Darmanin a adressé un courrier électronique à l'ensemble des parlementaires pour leur communiquer officiellement une « Charte de principes pour l'Islam de France » (ci-dessous) en ces termes : « Permettez-moi de vous adresser le texte de la charte signé par les représentants de l’Islam en France, ce matin, en présence de Monsieur le Président de la République. » Il est tout d'abord sidérant que le Président de la République soit présent lors d'une réunion interne du CFCM visant à valider et signer une telle Charte. Disons le clairement : nous n'avons pas à nous prononcer sur le fait qu'une organisation confessionnelle (quelle qu'elle soit) et ses membres décident en interne – comme c'est le cas dans d'autres organisations confessionnelles – d'exprimer leur attachement aux valeurs de la République. Il y a dans cette Charte des positions qui peuvent être intellectuellement intéressantes, d'autres qui vont au-delà de nos préoccupations, et peu importe ! Mais nous faisons face ici à une immixtion assumée de l'Etat non seulement dans l'organisation interne d'un culte, mais aussi dans la construction du discours de ce culte... Comment donc interpréter le mépris évident de ces règles de la part de l'exécutif ? Faut-il considérer que le CFCM et ses membres sans cette Charte contrevenaient aux lois républicaines et qu'il fallait y remédier ? Évidemment non ! L'interprétation la plus logique est donc que c'est bien l'exécutif – la Présidence de la République et le gouvernement – qui est à l'origine de cette Charte dans une logique concordataire aberrante et absurde. Emmanuel Macron joue ici le rôle d'un petit Napoléon Bonaparte ! L'exécutif contrevient donc à un principe cardinal de la République française, mais il agit aussi de manière contre-productive : un tel texte émanant d'une initiative interne et spontanée pourrait être considéré comme positif ; or ce texte semble avoir été imposé de l'extérieur ce qui est la meilleure manière à la fois de créer une polémique, de donner un prétexte pour le dénoncer pour ceux qui parmi les associations cultuelles ont des positions au minimum ambiguës et de ralentir l'infusion nécessaire du ralliement à la République chez certains croyants.

C'est d'ailleurs ce qui s'est passé ! En bas de la dite Charte transmise aux parlementaires, il manque de manière visible plusieurs signatures… ce qui indique que le caractère interne de ce texte est plus que douteux. Enfin, le sénateur LREM des Français de l'étranger, Richard Yung, a hier vendu la mèche sur la nature profonde de la démarche en indiquant sur son blog que « Emmanuel Macron a par ailleurs donné deux semaines aux fédérations absentes pour signer le texte. » Le caractère néo-concordataire du locataire de l'Élysée est ici totalement démontré et c'est la République qui en fait les frais.

Lors de la manifestation du 11 janvier 2015, place de la République, après les attentats de Charlie Hebdo, de l'HyperCasher et de Montrouge...

Lors de la manifestation du 11 janvier 2015, place de la République, après les attentats de Charlie Hebdo, de l'HyperCasher et de Montrouge...

Remettre la République au milieu du village

Alors que les Français s'inquiètent de la situation sociale, économique et sanitaire du pays, un gigantesque écran de fumée sur le "séparatisme religieux" vient cacher leurs problèmes. La France a besoin d'un grand plan de redressement qui appelle tous les citoyens à faire corps ensemble. Tout cela ressemble donc à une opération de diversion. Nous nous méfions des lois de circonstances car elles sont souvent mal fichues, mal préparées, fourre-tout. C’est le cas de celle-ci. Annoncée en octobre 2020 par un discours assez confus d'Emmanuel Macron aux Mureaux, elle n'était cependant pas avec la reprise de l'épidémie de COVID une priorité absolue de l'action gouvernementale. C'est l’assassinat de Samuel Paty qui a décidé le gouvernement d'en faire l'outil d'une contre-offensive contre la gauche – qui lui reprochait l'abandon des enseignant par l'Etat et leur hiérarchie – et contre l'extrême droite avec laquelle il a entamé une course à l’échalote. Une loi élaborée sous le coup de l’émotion est rarement une bonne loi.. et ce projet de loi comporte trop de dispositions inutiles, inapplicables. Au final, ce texte n’est qu’une vaste opération de communication du gouvernement.

Ce pouvoir commet une grave tartufferie, car une bonne partie de la lutte juridique et politique contre l'islamisme radical pourrait se faire aussi avec les outils juridiques contre les dérives sectaires... Or la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (MIVILUDES) vit depuis le début du quinquennat le calvaire d'une mort à petit feu que lui inflige le macronisme. Cet outil, ainsi que l'ensemble des dispositions juridiques permettant de lutter contre les comportements sectaires, serait pourtant d'une utilité évidente face aux logiques séparatistes réelles de groupes salafistes qui tentent de subjuguer des familles et parfois des quartiers. Le statut d'association cultuelle ne limitait d'ailleurs pas les capacités de la MIVILUDES à exercer sa surveillance sur certaines organisations confessionnelles ; ainsi la Mission communiquait encore publiquement en 2012 sur le fait que sa surveillance s'exerçait toujours sur les Témoins de Jéhovah reconnus en association cultuelle en 2000 par le Conseil d'Etat. Le renforcement des moyens humains et financiers de la MIVILUDES, tout comme la restauration d'un renseignement territorial de qualité et fortement implanté, devrait figurer parmi les priorités d'un gouvernement réellement soucieux de lutter contre des phénomènes séparatistes, sectaires et antirépublicains ; nul besoin d'une loi pour cela. Macron et ses soutiens ont préféré faire une loi : la Messe est dite !

Si la République est affaiblie, c’est que les services publics sont laminés par des politiques néolibérales, que des territoires sont relégués par des politiques d’austérité économiquement inefficaces et socialement injustes, et qu’une partie toujours plus grande de la population ne peut plus voir dans la République la promesse d’émancipation qu’elle devrait représenter.

La destruction de l’école, l’impossibilité d’une intégration aux valeurs républicaines sont le terreau fertile des menaces que nous connaissons. D’ailleurs, aucune disposition positive visant à lutter contre les discriminations au logement, à l’embauche, ou contre les contrôles d’identité au faciès n’est prévue dans le texte. De telles mesures auraient pourtant été de nature à « conforter les principes républicains ». Non seulement le gouvernement ne règle pas les questions auxquelles il prétendait s’atteler, mais il ne souhaite pas changer de politique. Par défaut de sérieux, d’ambition et de responsabilité, il manque largement le but qu’il prétend atteindre.

Rien dans ce projet de loi pour traiter l'essentiel donc, notamment en mettant en œuvre une stratégie de reconquête idéologique dans tous les territoires où opèrent l'extrémisme religieux, pour laquelle il faudrait réimplanter des organisations d'éducation populaire laïques avec de vrais moyens ! Rien pour démontrer que la République reprend le chemin qu'elle n'aurait jamais dû abandonner, celui de la République sociale (celui que Jaurès considérait comme indispensable pour la survie de la République laïque), celui qui fait que la promesse républicaine d'égalité pourrait être considérée comme concrète par nos concitoyens dont beaucoup aujourd'hui se sentent abandonnés.

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1 mars 2021 1 01 /03 /mars /2021 13:51

Je milite dans des partis de gauche depuis le printemps 1993. Ma famille politique est celle d'un socialisme républicain, qui promeut l'égalité, la justice sociale, la laïcité et une forme de dépassement du capitalisme. La question de la défense des libertés publiques et individuelles, d'une démocratie parlementaire avancée et de l’État de droit sont également des éléments fondamentaux de mon engagement.

J'ai rejoint la gauche – à l'époque le Parti socialiste – lorsque celle-ci avait déjà failli disparaître aux lendemains des élections législatives de 1993. Par la suite, je me suis fait violence en 2002 déjà pour aller voter Jacques Chirac au second tour de l'élection présidentielle ; et j'ai fait barrage à nouveau à l'extrême droite en votant pour Emmanuel Macron au second tour du dernier scrutin présidentiel.

Dans ces deux cas, je me suis convaincu que les présidents ainsi élus serviraient a minima de rempart pour les libertés publiques. Le président Chirac était de droite, il n'avait pas mandat pour son quinquennat de dérouler entièrement son programme, au regard du score écrasant que le réflexe républicain des électeurs lui avait accordé. Il n'a cependant fait aucun effort pour tenir compte d'une réalité politique qui avait sanctionné la défaite de la gauche mais n'avait pas représenté la victoire de la droite, loin s'en faut. Cependant, la rouerie et peut-être la vieille culture opportuniste et rad'soc de Chirac ne lui avaient pas fait enfourcher un politique qui rompait radicalement avec le modèle social républicain hérité de la Libération et de Mai-68. La défaite de la gauche en 2007 face à Nicolas Sarkozy fut de l'entière responsabilité de la gauche qui présenta une candidature improbable sans réel programme.

Le second tour de 2017 est à nouveau avant tout le résultat des défaillances de la gauche et de son principal parti, le Parti Socialiste. François Hollande et ses gouvernements successifs – surtout à partir de 2014 – porteront devant l'histoire une grave responsabilité d'avoir discrédité pour le long terme la gauche, en trahissant les électeurs et installant une défiance de longue durée sur la crédibilité de ce camp politique à porter un projet honnêtement au service des Français. Le même phénomène risque donc de se répéter en 2022 sur fond de multiplication des candidatures, d'anathèmes croisés et d'absence de programme mobilisateur, crédible et radical. Car après les dégâts infligés à la France par Emmanuel Macron, qui a accéléré une déconstruction néolibérale du pays, entamée sous Nicolas Sarkozy et amplifiée sous François Hollande, la République française a besoin d'une rupture franche avec le néolibéralisme. Si la gauche et ses responsables le comprennent, alors il n'est peut-être pas trop tard mais j'en doute...

Un nouveau second tour de l'élection présidentielle en 2022 entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen est donc fortement possible ; le seul fait (en plus des défaillances de la gauche) que les médias relaient en boucle ce récit transforme cette hypothèse en prophétie autoréalisatrice.

Pourquoi irai-je voter à nouveau Emmanuel Macron ? Pour faire barrage ? Mais barrage à quoi ?

La perspective de la poursuite des politiques économiques, sociales et européennes d'Emmanuel Macron ne m'y incite évidemment pas. Je suis surpris que personne n'ait fait le rapprochement suivant : en 2016 (je crois) une BD en plusieurs tomes avait été publiée sous le titre La Présidente ; les différents tomes nous présentaient l'accession terrifiante de Marine Le Pen à la présidence de la République. Terrifiante, oui... sauf que parmi les nombreuses mesures prises par la "nouvelle présidente" dans cette BD, certaines ressemblent terriblement à celles qui ont été mises en œuvre par les gouvernements d'Emmanuel Macron ! Intégration en novembre 2017 dans le droit commun des principales dispositions de l'état d'urgence décrété fin 2015 face aux attaques terroristes, nombreuses lois sécuritaires, aggravation des dispositions juridiques concernant l'asile et l'immigration... à cela il faudrait ajouter des attaques nombreuses sur la liberté d'expression et la démocratie qui ne sont pour le moment pas arrivés au bout (projet de réforme antiparlementariste de la constitution, proposition de loi Avia, proposition de loi sécurité globale, projet de loi sur les "séparatismes"...). Sous Emmanuel Macron, sans même parler des dispositions de l'état d'urgence sanitaire en ces matières, les Libertés publiques ont reculé ! Que dire enfin de la manière dont ils ont traité le mouvement de Gilets Jaunes !

Pourquoi irai-je donc voter pour Emmanuel Macron face à Marine Le Pen, alors qu'il détruit la République sociale, qu'il attaque la démocratie représentative et qu'il fait reculer les libertés publiques ? Pourquoi ?

Je continuerai donc à me battre pour qu'il y ait une gauche crédible de rupture qui permette d'empêcher ce scénario (ir)résistible et je travaillerai encore à ce que la gauche ne fasse pas aux élections législatives de 2022 la même erreur qui nous a conduit au tir aux pigeons de 2017 (aboutissant à la présence d'à peine 60 députés de gauche à l'Assemblée nationale), pour qu'une véritable opposition parlementaire existe. Si nous voulons éviter la victoire de Marine Le Pen en mai 2022, il est indispensable qu'une alternative de gauche élimine Emmanuel Macron au soir du premier tour à venir et soit présente et mobilisée au second tour. Nous sommes aujourd'hui loin du compte.

Frédéric FARAVEL
Conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste de Bezons (Val-d'Oise)

Les "unes" de Libération les 27 février et 1er mars 2021

Les "unes" de Libération les 27 février et 1er mars 2021

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26 février 2021 5 26 /02 /février /2021 09:42

Un an et demi après l'adoption de la très mauvaise loi de transformation de la fonction publique portée par Olivier Dussopt (devenu entre temps ministre des Comptes publics), Amélie de Montchalin (qui a été nommée ministre de la "transformation et de la fonction publiques" en juillet 2020) souhaite imposer une nouvelle cure néolibérale contre les #fonctionnaires.

STOP !

Si Mme de Montchalin souhaite chasser son ennui au ministère, nous lui conseillons au choix de résorber la précarité dans la fonction publique territoriale ou de mettre fin au pantouflage, cause d’une dangereuse consanguinité entre Haute fonction publique et milieux d'affaires.

Notons que ce dernier sujet a été systématiquement récusé par les différents gouvernements d'Emmanuel Macron, notamment lors de l'examen de la loi sur la confiance dans la vie politique de l'été 2017 ou encore lors de l'examen de loi sur la transformation de la fonction publique en 2019. Evidemment, cela aurait conduit à exposer par le menu l'alliance fusionnelle d'une partie de la technocratie d’État et des milieux d'affaires - pourtant si documentée -, qui culmine aujourd'hui avec la présidence d'Emmanuel Macron qui en est la meilleure illustration jusqu'à la caricature.

Chaque loi précarisant davantage la fonction publique accroît la défiance des citoyens dans l'État. C'est la proximité des services publics qui crée la confiance et l'attachement à la République concrète, c'est-à-dire capable de faire vivre sa promesse d'égalité et de fraternité. C'est aussi - et même d'abord - cela qui donne corps à la communauté nationale par la citoyenneté.

Frédéric FARAVEL
conseiller municipal et communautaire GRS de Bezons
coordonnateur national des pôles thématiques de la Gauche Républicaine et Socialiste
référent du pôle thématique "fonction publique" de la GRS

brève dans Challenges

brève dans Challenges

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24 février 2021 3 24 /02 /février /2021 08:52

J'ai rédigé pour la Gauche Républicaine et Socialiste cette note ci-dessous sur le rapport de force en cours entre les confédérations de syndicats de salariés et le gouvernement concernant la (très mauvaise) "réforme" de l'Assurance Chômage, que le gouvernement d'Edouard Philippe et d'Emmanuel Macron avait imposée aux forceps en juillet 2019.

Frédéric FARAVEL

Assurance-chômage : entêtement gouvernemental contre unité syndicale

Les cinq grandes confédérations syndicales ont de manière inédite décidé de s'exprimer ensemble dans un communiqué public ce mardi 23 février 2021 pour dénoncer à nouveau l'entêtement gouvernemental sur la « réforme » de l'assurance chômage.

Leur opposition était connue et affirmée depuis de longs mois, après l'échec des négociations avec les partenaires sociaux au printemps 2019. Le gouvernement d’Édouard Philippe avait alors rejeté la faute sur l'incapacité du patronat et des organisations syndicales à s'accorder sur une réforme, après avoir lui-même organisé l'impasse en leur intimant des injonctions contradictoires. Il avait donc imposé ses vues au travers de deux décrets publiés au Journal officiel le 28 juillet 2019 (n° 2019-797 et n° 2019-796), dont le seul objectif visait à réaliser des économies sur le dos des demandeurs d'emploi.

Opposition syndicale radicale

Les cinq organisations de salariés avaient déjà exhorté l’exécutif à renoncer à la réforme de l’assurance-chômage, dans un courrier commun adressé le 14 octobre 2020 au premier ministre, Jean Castex, avec copie à Emmanuel Macron. Mais il ne s’agissait que d’un des nombreux points abordés dans cette lettre.

Ce qui est inédit ici c'est le communiqué public sur le seul sujet de l'assurance chômage dans lequel les organisations renouvellent leur opposition totale à des mesures dont les incidences « pèseront lourdement sur le quotidien des femmes et des hommes qui perdent leur [poste] ». Trois dispositions sont particulièrement critiquées depuis l'origine : accroissement de la durée de cotisation pour être éligible à une allocation et pour recharger les droits à indemnisation ; dégressivité des sommes versées à partir du septième mois pour les chômeurs de moins de 57 ans qui gagnaient 4 500 euros brut quand ils étaient en activité ; nouvelle formule de calcul, ayant pour effet de diminuer la prestation pour ceux qui alternent contrats courts et périodes d’inactivité.

Élaborées à une époque où l’économie était dynamique, mais déjà contestées, ces dispositions ont été suspendues, reportées ou adoucies par le gouvernement, lorsque la pandémie de Covid-19 a entraîné une brutale récession, à partir du printemps 2020. Ainsi Le 1er novembre 2019, les premières mesures étaient entrées en vigueur. Il s'agissait des nouvelles règles d'indemnisation (durée minimale de travail, rechargement des droits, dégressivité des allocations chômage pour les hauts revenus, ouverture des droits aux salariés démissionnaires et aux travailleurs indépendants). Ces mesures ont été suspendues jusqu'au 1er janvier 2021 par le décret du 29 juillet 2020. Cependant, le retour aux règles antérieures ne s'applique qu'aux demandeurs d'emploi dont la fin du contrat de travail est intervenue entre le 1er août et le 31 décembre 2020 (sans rétroactivité pour ceux qui avaient déjà perdu leur emploi entre le 1er novembre 2019 et le 31 juillet 2020). Au 1er septembre 2020, le deuxième volet de la réforme devait entrer en vigueur avec le changement du mode de calcul de l'allocation chômage. Reportée une première fois, la réforme devrait cependant être appliquée dès le 1er avril 2021. L'échéance dramatique se rapproche.

L'exécutif n'a jamais remis en cause le fondement et la motivation des décrets de juillet 2019 ; le gouvernement cherche donc à préserver au maximum le contenu de « sa réforme » et à obtenir une forme de victoire à la Pyrhus, pariant tout à la fois sur la lassitude et le retour de la division syndicale qui serait facilitée par une forme de reprise économique (dont on peine à voir en quoi il la prépare).

On ne change pas une logique qui perd

Une pseudo-concertation a donc été engagée par Élisabeth Borne qui prétend « amender » le contenu des décrets de juillet 2019. Mais dans les scénarios proposés par le pouvoir, la philosophie reste intacte ; il ne saurait être question tout au plus que de changer le calendrier de mise en œuvre de la réforme tout en atténuant son impact, pour les chômeurs comme pour les entreprises, le « en même temps » qui avait abouti à l'échec du printemps 2019. Les arbitrages de l’exécutif devraient tomber en mars, après une nouvelle réunion des partenaires sociaux avec la ministre dans une semaine.

Mais les syndicats en contestent le fondement même : « Le chômage n’est pas un choix » ; « les demandeurs d’emploi doivent bénéficier d’une assurance-chômage garantissant à la fois un revenu de remplacement approprié (…) et un accompagnement adapté aux besoins de chacune et chacun ». Les seuils d’accès à l’indemnisation « doivent inclure un maximum de travailleurs et tout particulièrement les jeunes » tandis que la détermination des règles d’indemnisation « doit obéir à des principes simples et lisibles ». Enfin, la formule de calcul doit permettre « de délivrer une indemnisation au plus proche du salaire perdu ».

Quant à la dégressivité des indemnités, les confédérations exigent son abandon pur et simple car elles la jugent « inefficace », « dangereuse » et « injuste ». En effet, cette mesure incite « à accepter des emplois moins qualifiés » et « sanctionne les personnes qui ont le plus de mal à retrouver un emploi ». Par ailleurs, les organisations syndicales considèrent qu’« une modulation des cotisations patronales est nécessaire pour décourager les employeurs abusant des contrats précaires ». C'était un des points que le patronat avait violemment refusé au printemps 2019, offrant ainsi au gouvernement Macron-Philippe le prétexte pour passer en force avec ses deux décrets. Les organisations syndicales peuvent aujourd'hui s'appuyer sur les premiers travaux de l’Unédic qui confirment que les conséquences seront lourdes pour les demandeurs d’emploi et largement concentrées sur les plus précaires. Ces conclusions ont été confirmées par d'autres études sociales.

De nouvelles impasses

La crise sanitaire a contraint le gouvernement à suspendre la mise en œuvre de sa « réforme ». Mais malgré la mise en scène d'une concertation de façade, le gouvernement continue d'avancer dans sa mise en œuvre coûte que coûte comme nous l'avons vu plus haut.

La crise actuelle a par ailleurs mis en exergue de nouvelles et graves difficultés.

L'extension nécessaire du dispositif de chômage partiel – sans jamais interrogé pourtant son mode de financement – a permis à de nombreuses entreprises de ne pas mettre la clef sous la porte et à des millions de salariés de ne pas trop perdre de revenus. Mais comme nous nous en étions alarmés le 9 décembre dernier, sans réflexion sur son adaptation à une situation nouvelle pour laquelle il n'avait pas été prévue, le dispositif « activité partielle » est en train de déséquilibrer durablement les comptes de l'assurance chômage ce qui place les organisations syndicales et patronales dans une position de fragilité face au gouvernement.

Par ailleurs, le gouvernement et les partenaires sociaux font pour des raisons différentes l'impasse sur tous les profils qui ne correspondent pas aux salariés stables qui peuvent faire valoir un contrat de travail ; la crise sanitaire et l'arrêt forcé de l'activité économique a mis au jours la détresse de limmense majorité des salariés à l’emploi discontinu auxquels aucun dispositif solide ne répond. Une fois (mal) « réglé » le cas des intermittents du spectacles, il reste plusieurs centaines de milliers de travailleurs engagés en « extra » dans la restauration, l’hôtellerie, l'événementiel, le nettoyage, le commerce, le tourisme, l'agriculture … à qui rien n'est proposé. Il faut ouvrir ce chantier et prendre enfin en compte ces salariés dont l’emploi est par nature intermittent ou à ces millions de chômeurs incités depuis des décennies à accepter n’importe quel petit boulot par un déni de droit à l’assurance chômage. On ne saurait non plus se contenter de leur promettre une très hypothétique généralisation des CDI. Dans de nombreux secteurs ou métiers, l’intermittence est officiellement la norme reconnue comme un « usage » par un agrément du ministère du travail. La perspective d’un CDI pour tous demeure à ce stade incantatoire et peine d’autant plus à convaincre qu’elle a été faite par bien des gouvernements avant l'actuel. L’alternative bien réelle à laquelle ces salariés à l’emploi discontinu sont confrontés dans la pratique est plutôt celle d’une sortie du salariat, celle d’une flexibilité sans sécurité. L’ubérisation est-elle l’horizon dans lequel ils doivent se projeter ?

La majorité présidentielle avait tenté une manœuvre de diversion avec une proposition de loi, portée par un député et un sénateur LREM, qui abordait le sujet sans répondre réellement aux besoins de ces salariés. Ce texte – pourtant très insuffisant – vient d'être royalement enterré : le principal rédacteur de la proposition a été missionné par le premier ministre pour « réfléchir » sur le dossier, renvoyant ainsi aux calendes grecques toute discussion parlementaire, alors même que la gauche s'apprêtait à accepter de discuter et d'amender la proposition de loi.

* * *

La Gauche Républicaine et Socialiste apporte donc son soutien aux organisations syndicales et partage leur avis sur la nocivité de la réforme de l'assurance chômage imposée par le gouvernement en juillet 2019. Nous demandons à nouveau l'abrogation des décrets n° 2019-797 et n° 2019-796 qui seule permettra une discussion saine pour travailler à l'amélioration du système. Celle-ci ne peut s'effectuer en considérant que le chômage serait choisi. La Gauche Républicaine et Socialiste appelle les organisations syndicales et professionnelles à prendre à bras le corps le dossier des intermittents de l'emploi et à cesser de considérer qu'il n'existe qu'un seul profil type de salariés. La Gauche Républicaine et Socialiste apportera son soutien et sa réflexion aux initiatives des parlementaires de gauche qui travaillent aujourd'hui par-delà les deux chambres – et en rassemblant toutes les sensibilités – à une rénovation solidaire de notre système d'assurance chômage.

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23 février 2021 2 23 /02 /février /2021 11:55

Revenant, dans une tribune parue ce mardi 23 février 2021 au matin dans Le Monde, sur la réception particulièrement houleuse de l’essai « Race et sciences sociales » de l’historien et du sociologue, un collectif d’universitaires et de militants laïques (dont je suis), dont Irène Théry, Dominique Schnapper et Christian Baudelot, alerte sur les menaces qui pèsent sur les libertés académiques.

« L’“affaire Beaud et Noiriel” est exemplaire de la dégradation de la qualité du débat public » - tribune collective

Le 5 février sortait l’ouvrage Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie (Agone, 432 pages, 22 €), de deux chercheurs dont les travaux, sans nécessairement faire l’unanimité, sont respectés par tous, l’un historien (Gérard Noiriel), l’autre sociologue (Stéphane Beaud). Il s’agit, dans ce livre, de mettre en évidence l’apport des sciences sociales sur les questions de la « race » et du racisme qui se trouvent aujourd’hui au cœur du débat public. Les auteurs se sont efforcés, en effet, de s’éloigner des querelles « identitaires » en mobilisant enquêtes historiques et sociologiques.

On aurait pu croire que cette démarche, qui relève du réflexe professionnel, recueillerait un large soutien de la communauté des chercheurs. Or, force est de constater qu’à quelques exceptions près le renfort se fait attendre, laissant Beaud et Noiriel seuls au front, à défendre l’autonomie et la raison d’être des sciences sociales. Sans doute peut-on le comprendre dans une conjoncture où les adversaires théoriques des deux chercheurs sont la cible de la ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal.

Manichéisme moral

C’est justement une bonne occasion d’appeler à un débat scientifique argumenté qui ne saurait se réduire aux invectives, aux insultes et, a fortiori, aux interdictions professionnelles. Or Beaud et Noiriel ont subi ce que l’on appelle dans le langage des réseaux (si peu) sociaux une shit storm, un torrent de boue qu’ont renforcé quelques recensions médiatiques fielleuses. L’« affaire Beaud et Noiriel » est exemplaire de la dégradation de la qualité du débat public et c’est en cela qu’elle nous interpelle, quoi que l’on puisse penser par ailleurs de leur ouvrage.

« L’empire de l’émotion indignée rencontre les intérêts de nombreuses entreprises de presse qui font de l’audience avec ce type de polémiques »

Les libertés académiques sont menacées par la ministre mais elles le sont aussi autrement. Beaucoup de chercheurs, a fortiori lorsqu’ils sont précaires, ont désormais peur de s’exprimer dans un débat où l’intensité de l’engagement se mesure à la véhémence de la critique et où l’attaque ad hominem tient lieu d’argument. Le manichéisme moral invite à ce genre de dérives : le « camp d’en face » et même celui d’à côté seraient, « par nature », mauvais.

L’empire de l’émotion indignée rencontre les intérêts de nombreuses entreprises de presse qui font de l’audience avec ce type de polémiques. Un tribunal médiatique siège en permanence, où les procès à charge remplacent les débats d’idées.

Dans cet état du débat scientifique, les chercheurs qui ont le courage d’aborder des questions polémiques, afin d’instiller, en intellectuels, davantage de réflexivité dans le débat public, sont voués à rencontrer le silence ou les insultes. Une chape de plomb s’abat alors sur un « débat » de plus en plus hermétique aux apports des sciences sociales, tandis que les réseaux sociaux y font régner les rapports de force.

Nous déplorons ces inquiétantes dérives qui voient la morale, l’émotion, l’attaque personnelle remplacer la réflexion, l’argumentation, l’intelligence collective. Il est urgent de garantir pour tous les chercheurs, quelles que soient leurs orientations, l’autonomie de la recherche et l’expression libre des idées sans risquer les invectives et les menaces gouvernementales et/ou le lynchage médiatique, en mettant en place les moyens politiques et juridiques de leur protection. Sinon, nombre d’entre eux privilégieront le repli dans leur « tour d’ivoire ».

Les chercheurs ont aussi leur part à prendre dans l’assainissement du débat public en étant exigeants du point de vue de l’éthique de la discussion et en ne participant pas aux campagnes publiques contre tel ou tel de leurs collègues. Lorsque le débat s’envenime, leur devoir de savant et d’intellectuel est d’appeler au calme.

Premiers signataires

About Ilsen, sociologue, chargé de recherche au CNRS ; Acker Françoise, sociologue, Pratiques. Les Cahiers de la médecine utopique ; Algut Ali, syndicaliste CGT ; Arambourou Clément, politiste, professeur agrégé de Sciences économiques et sociales ; Balland Ludivine, sociologue, maître de conférence, Université de Nantes ; Barbéris Isabelle, Maître de conférences HDR en arts de la scène, Université Paris Diderot ; Barre Philippe, syndicaliste ; Baudelot Christian, sociologue, professeur émérite, École normale supérieure ; Boisserie Etienne, historien, professeur à l’Inalco ; Bonnéry Stéphane, professeur en sciences de l'éducation, Université Paris 8 ; Boual Jean-Claude, syndicaliste et militant associatif ; Bourret Pascale, sociologue ; Bras Gérard, philosophe, professeur honoraire en première supérieur ; Pierre Bray, citoyen-militant ; Briot Raphaël, MCU-PH de Thérapeutique, Grenoble ; Bulle Sylvaine, professeure de sociologie, Paris-Diderot ; Cartier Marie, enseignante-chercheuse en sociologie ; Flavien Chailleux, fonctionnaire au ministère du travail ; Chapoutot Johann, professeur d'Histoire contemporaine, Sorbonne Université ; Charle Christophe, historien, professeur émérite, Université Paris 1 ; Chemla Patrick, psychiatre et psychanalyste, Centre Antonin-Artaud, Reims ; Chenu Alain, sociologue, Professeur émérite des universités ; Cocq François, essayiste ; Commaille Jacques, sociologue, professeur émérite à l'ENS Paris-Saclay ; Costa Olivier, directeur de recherche au CNRS, CEVIPOF ; Court Martine, sociologue, enseignante-chercheure, université Clermont-Auvergne ; Croix Alain, historien, professeur émérite des Universités ; Darras Eric, professeur des universités en science politique, IEP Toulouse ; Da Silva Clara, enseignante de philosophie, Paris ; Dazel Olivier, acoustique, Le Mans Université ; De Morgny Arnaud, juriste en droit public, Coordinateur Gauche républicaine et socialiste (GRS) Île-de-France ; Debord Delphine, conseillère municipale Le Pré Saint-Gervais (93) ; Del Volgo Marie-José, praticien hospitalier-maître de conférence (HDR) à Aix Marseille Université ; Denorme Vincent, militant associatif ; Devailly Jean-Pascal, praticien hospitalier en médecine physique et de réadaptation ; Dockès Pierre, historien, professeur honoraire, Université Lyon 2 ; Dorin Stéphane, sociologue, professeur à l’Université de Limoges ; Dormont Brigitte, professeure d’économie, Paris Dauphine ; Dubet François, sociologue, ancien directeur d’études à l’EHESS ; Dubois Vincent, professeur de sociologie et science politique, Sciences Po Strasbourg ; Dubreil Patrick, médecin généraliste, chercheur en santé au travail ; Ducange Jean-Numa, Professeur d'histoire contemporaine, Université de Rouen ; Dufoix Stéphane, Professeur de sociologie, Université Paris-Nanterre, membre senior de l'Institut universitaire de France ; Eckert Henri, professeur de sociologie, université de Poitiers ; Estivill Jean, président de l’ARAC Savigny ; Fabiani Jean-Louis, sociologue, directeur d’études à l’EHESS retraité ; Faure Sylvia, enseignante-chercheuse en sociologie ; Ferrand-Lefranc Nathalie, chirurgien-dentiste ; Firpi Sebastien, psychologue clinicien hospitalier, psychothérapeute psychanalytique, doctorant en psychopathologie clinique et psychanalyse ; Fournier Pierre, sociologue, professeur à l’université d’Aix-Marseille ; Frajerman Laurent, socio-historien ; Hélène Franco, syndicaliste et magistrate ; Franco Jean-Robert, artiste peintre ; Frédéric Faravel, conseiller municipal et communautaire Gauche Républicaine et Socialiste (GRS) de Bezons (95) ; Garcia Sandrine, sociologue, professeure à l’Université de Bourgogne ; Gaudray Christian, président de l’UFAL ; Georges Isabelle, sociologue, IRD ; Gherchanoc Florence , historienne, professeur des universités de Paris ; Gherchanoc Riva, présidente de « Combat laïque-Combat social, fédérer le peuple » (Clcs-flp) ; Gillot Gaëlle, géographe, maîtresse de conférences, Université de Paris I ; Gingras Yves, sociologue, université du Québec à Montréal (UQAM) ; Glachant Delphine, psychiatre des hôpitaux ; Glasman Dominique, professeur émérite en sociologie, Université de Savoie ; Gori Roland, psychanalyste, professeur honoraire de psychopathologie à Aix-Marseille Université ; Granthomme Claudine, membre du CA de « Combat laïque-combat social, fédérer le peuple » (Clcs-flp) ; Guedj François, enseignant, militant syndicaliste ; Guillot Pascal, historien, UniversitéVersailles/Saint-Quentin-en-Yvelines ; Heyer Laurent, médecin et praticien hospitalier ; Hurard Hubert, directeur de l’École nationale d’éducation populaire, Limoges-Bordeaux ; Jamet Eric, éditeur ; Koebel Michel, professeur en sociologie à l’université de Strasbourg ; La Brasca Franck, professeur des universités à la retraite ; Laacher Smaïn, professeur de sociologie, université de Strasbourg ; Lamy Yvon, Professeur émérite de sociologie, université de Limoges ; Laval Michel, militant écologiste à Joinville (94) ; Leclerc Catherine, sociologue, Université de Poitiers ; Leflon Michèle, praticien hospitalier retraité ; Leguerinais Patrice, militant associatif ; Leroy Louisa, membre du CA de « Combat laïc – Combat social – Fédérer le Peuple » ; Long Olivier, Maître de conférences, Faculté des arts, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; Luguern Liêm-Khê, historienne, professeur d’Histoire-Géographie, EHESS et Institut Convergences Migrations ; Martin Jérôme, professeur d’histoire-géographie (93), chercheur en histoire de l’éducation ; Martinais Philippe, professeur au Lycée Jean-Renoir de Bondy, syndicaliste Sud Education ; Mauger Gérard, sociologue, directeur de recherche émérite, CNRS ; Melchior Jean-Philippe, sociologue, Le Mans Université ; Merle Pierre, professeur de sociologie, Université de Bretagne Occidentale ; Misset Séverine, maîtresse de conférences en sociologue, université de Nantes ; Mitterrand Jean-Jacques, citoyen et militant ; Mitterrand Odette, professeur d’histoire retraitée ; Sacha Mokitsky, rédacteur en chef de la revue Reconstruire ; Monchatre Sylvie, Sociologue, responsable du parcours de master Inégalités Discriminations, Uni ; Moreau Gilles, professeur de sociologie, Université de Poitiers ; Mucchielli Laurent, directeur de recherche au CNRS ; Muel-Dreyfus Francine, sociologue, directrice d'études retraitée à l'EHESS ; Neveu Erik, professeur de science politique à Sciences Po Rennes ; Neyrat Frédéric, professeur de sociologie à l’université de Rouen ; Pequignot Bruno, sociologue, professeur émérite des Universités ; Pernet Damien, secrétaire général de l’Union des familles laïques (UFAL) ; Perraut-Soliveres Anne, praticienne-chercheure Pialoux Michel, sociologue ; Pierru Frédéric, chercheur en sciences humaines, CNRS ; Pigenet Michel, historien, professeur à l’Université Paris I ; Pinto Louis, sociologue, directeur de recherche CNRS ; Prost Antoine, professeur émérite (histoire contemporaine), Université Paris I ; Rigaudiat Jacques, économiste ; Riss Laëtitia, Doctorante et rédactrice en chef du média Le Vent Se Lève ; Rochex Jean-Yves, professeur émérite, Université Paris 8 ; Roza Stéphanie, chercheuse en sciences humaines, CNRS ; Rygiel Philippe, historien, ENS Lyon ; Schauder Claude, psychologue, psychanalyste, ancien professeur associé de psychopathologie clinique, Strasbourg ; Schauder Nicole, médecin de santé publique Scheffer Jean, cardiologue, militant associatif ; Schnapper Dominique, directrice d’études à l’EHESS ; Sire-Marin Evelyne,  magistrat, militante associative ; Sorignet Pierre-Emmanuel, enseignant-chercheur en sociologie ; Soury Danielle, professeure agrégée de sciences économiques et sociales ; Stambach Frédérick, médecin généralise rural à Ambazac ; Tanguy Lucie, sociologue, directrice de recherche honoraire CNRS ; Teper Bernard, co-animateur du Réseau Éducation Populaire (Rep) ; Teulières Laure, maîtresse de conférences, Université de Toulouse Théry Irène, sociologue, directrice d’Études à l’EHESS ; Tinel Bruno, économiste, maître de conférences HDR, Université Paris 1 ; Tiran André, historien, professeur émérite de sciences économiques, Université Lyon 2 ; Topalov Annie, psychanalyste ; Topalov Christian, sociologue, directeur de recherche émérite à l’EHESS ; Torrielli Richard, médecin, ancien PH des hôpitaux ; Vernaudon Julien, médecin hospitalier, Lyon ; Vézinet Monique, journal Respublica ; Vidal-Naquet Denis, professeur agrégé de SES retraité ; Vigna Xavier, Professeur d'histoire contemporaine, Université Paris-Nanterre ; Vignes Jean, militant associatif ; Wahnich Sophie, historienne et politiste, directrice de recherche CNRS ; Weber Florence, sociologue, professeure des universités, École normale supérieure.

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